À la barre, les prévenus finissent le plus souvent par s’agacer, voire s’énerver. La présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis aussi, à force d’entendre les mêmes arguments apportés par la défense. Si bien qu’il lui arrive de sortir du bois en y répondant directement.
Lors de leurs auditions dans le cadre du procès des assistants parlementaires des eurodéputés FN-RN, Marine Le Pen cette semaine, Bruno Gollnisch et Fernand Le Rachinel la semaine dernière (ainsi que cinq ex-collaborateurs) semblent loin d’avoir convaincu les juges. Explications.
« Nous fonctionnions en pool »
C’est sans doute le mot le plus entendu dans le prétoire : « pool ». Selon les prévenus, les assistants parlementaires du FN-RN étaient mis à disposition de l’ensemble des élus, expliquant pourquoi certains collaborateurs n’ont pas ou peu travaillé pour leur parlementaire.
Sauf que l’excuse du « pool » a vite été tuée dans l’œuf par le tribunal et sa présidente, rappelant que le contrat de l’assistant exige que celui-ci « assiste l’employeur dans l’exécution de son mandat parlementaire ».
« Ce que la prévention reproche, ce n’est pas qu’ils n’aient pas travaillé, mais qu’ils n’aient pas travaillé pour vous, à temps plein, a expliqué Bénédicte de Perthuis. Dans une société, c’est un abus de bien social de rémunérer quelqu’un qui travaille en fait pour l’entreprise du cousin. » Une analogie reprise plusieurs fois par la présidente, parfois avec agacement, signe que cette ligne de défense ne passe vraiment pas.
« C’était au Parlement de nous alerter »
À force de le dire, Marine Le Pen a fini, mardi 15 octobre, par le crier en tapant du poing sur la barre : « Si l’administration avait vu des difficultés, c’était à elle de nous alerter ! » Que ce soit pour la mutualisation ou le fait que les fonctions de garde du corps n’entraient pas dans les missions des assistants parlementaires, la défense assure que le Parlement européen savait mais n’a rien dit, ce qui les exempterait de toute faute.
D’une part, « rien ne prouve qu’il savait », estime Bénédicte de Perthuis. Mais, surtout, cela ne remettrait pas en cause la possible illégalité des faits.
Ainsi, lorsque Bruno Gollnisch avoue que « les députés n’apportaient qu’une attention assez discrète à ces normes et comptaient sur les services du Parlement », le parquet a bondi : « Vous avez été député européen pendant trente ans, mais ne vous êtes jamais posé la question des règles ? » Bientôt suivi par la présidente : « Vos explications sur les règles non comprises, le tribunal en tirera les conséquences, en prenant compte des connaissances juridiques des uns et des autres. » Marine Le Pen, avocate de formation, a entendu.
« L’activité politique est indissociable du mandat du député »
Quand bien même les collaborateurs fonctionnaient en « pool », exerçaient-ils vraiment des missions d’assistants parlementaires ? Thierry Légier, garde du corps des présidents successifs du FN-RN, s’est contenté de dire qu’il lui arrivait de préparer des déplacements. Micheline Bruna et Catherine Griset, assistantes personnelles de Jean-Marie et Marine Le Pen, n’ont pu détailler l’évolution de leurs missions lorsqu’elles sont devenues collaboratrices. Guillaume L’Huillier, mercredi, a été incapable de dire sur quels thèmes il a travaillé pour Marine Le Pen…
Alors, la parade, développée par cette dernière, consiste à dire que « l’activité politique est indissociable du mandat de député ». Selon elle, la mission d’un élu est, plus que le travail législatif, de « porter les idées du parti » dans les médias, les meetings…
Et donc que si un assistant travaille pour la vie du mouvement, indirectement il travaillerait pour cette mission « politique » du député… Une démonstration farfelue que le parquet a démontée en rappelant que « travailler pour un parti et non pour le travail parlementaire de son député est interdit ».
« Le tribunal est incompétent pour évaluer le travail des assistants »
La « séparation des pouvoirs » ne cesse d’être brandie par le RN dans le prétoire pour dénoncer un prétendu « contrôle du pouvoir judiciaire sur le pouvoir législatif ». « Quand on analyse l’activité des assistants, on analyse celle des parlementaires, ce qui contrevient à ce principe », a soutenu Bruno Gollnisch pour faire comprendre au tribunal qu’il serait « incompétent pour évaluer le travail des assistants ». Ce qui a eu le don d’agacer la présidente : « Pour vous, un député est au-dessus de la loi pénale ? »
Elle a aussi rappelé la position de la Cour de cassation qui, dans le cadre du procès Fillon, a statué que « le principe de séparation des pouvoirs n’interdit pas au juge judiciaire (…) d’apprécier la réalité de l’exécution du contrat de droit privé conclu entre un membre du Parlement et un de ses collaborateurs ». Une manière de clore le débat. Ce qui n’a pas empêché Marine Le Pen de continuer à prêcher cet argument dans le désert. Serait-elle à court d’idées ?
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