Les réquisitions du tribunal correctionnel de Lille sont tombées le 28 mars, à l’issue de quatre heures d’audience : la prison avec sursis a été requise contre Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Nord, jugé pour « apologie publique d’un acte de terrorisme » et « provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion », des délits passibles d’une peine allant jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
En cause : la diffusion, le 10 octobre 2023, d’un message de soutien à Gaza, trois jours après l’attaque sanglante du Hamas et la réplique aveugle d’Israël contre les habitants de l’enclave palestinienne.
On pouvait y lire notamment ces propos pointés par les parties civiles : « Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi [7 octobre 2023]elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées. » Retiré du site Internet, le tract avait été remplacé par une version « confédérale » corrigée, trois jours plus tard.
Mais l’Organisation des juifs d’Europe et l’Association communauté israélite (ACI) de Lille s’étaient déjà engouffrées dans la brèche, dénonçant « un tract partisan, agressif, militant, guerrier et antisémite », qui justifierait l’attaque du Hamas, en le présentant comme une réponse aux « horreurs de l’occupation illégale ».
Des accusations dont les réquisitions de la procureure se sont fait l’écho. Cette dernière a en effet estimé le délit « parfaitement caractérisé ». Elle a dénoncé un tract « présentant ces horreurs comme si elles avaient eu un caractère inévitable » ajoutant, « c’est une légitimation d’un attentat de masse sous couvert d’une analyse historique ».
La CGT défend les « valeurs d’humanité et de solidarité entre les peuples »
Jean-Paul Delescaut, accueilli à son entrée au tribunal par un comité de soutien de plusieurs centaines de personnes, dont la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet et le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon, n’a pourtant eu de cesse de contester ces accusations en réaffirmant, lors de l’audience, les « valeurs d’humanité, de défense de salariés, contre l’injustice sociale et pour la solidarité entre les peuples » de la CGT, ainsi que sa « condamnation des actes terroristes en général et bien entendu celui du 7 octobre » ainsi que « de toutes les violences ».
Le responsable syndical, qui est aussi soignant au centre hospitalier de Valenciennes (Nord), s’en est tenu à cette déclaration lors de son procès, où Jean-Luc Mélenchon a témoigné dans une vidéo de trois minutes.
Ses avocats, Arié Alimi et Ioannis Kappopoulos, qui ont tous deux plaidé la relaxe, ont contesté l’interprétation faite de ce message, affirmant que si « ce tract n’est pas un chef-d’œuvre », « à aucun moment il n’évoque les modalités d’action du Hamas », ni ne les présente sous un jour favorable.
En marge du procès, ses soutiens ont également pris la parole. À l’instar de Sophie Binet, qui avait fait le déplacement à la mi-journée à Lille. Cette dernière a relevé la dimension symbolique et politique prise par ce procès qui s’inscrirait « dans un climat très inquiétant de répression des libertés syndicales », avec « plus de 1 000 militants poursuivis au nom des actions menées collectivement par la CGT ». Elle a ainsi fustigé « un procès politique scandaleux ». Et la secrétaire générale de la CGT de donner sa lecture de cette publication : « Ce que disait ce tract tout simplement c’est que la violence entraîne la violence. C’est malheureux. Le tract condamnait la violence et exprimait la solidarité de la CGT avec toutes les victimes civiles. » La décision du tribunal correctionnel de Lille a été mise en délibéré au 18 avril 2024.