L’humeur n’est pas à la fête. Pourtant, des tracts roses, sésame d’entrée pour une soirée d’intégration, se passent de main en main ce jeudi 7 novembre. Naewenn, Noam et Aruna, étudiants et membres du Bureau des élèves (BDE) de l’université Sorbonne Nouvelle, interceptent leurs camarades alors que les cours de l’après-midi approchent. Pour eux, la matinée a mal commencé. Au réveil, Aruna s’est empressé de consulter son smartphone pour connaître le verdict tant redouté.
Qui a remporté l’élection américaine ? La réponse la frappe : Donald Trump. « Je ne m’y attendais pas, je ne voulais pas y croire », se désespère l’étudiante en cinéma de 18 ans. Noam était, lui, résigné d’avance : « Kamala Harris n’avait aucune chance. » Il n’est pas surpris, mais déçu. « Comme pour les élections de délégués de classe, c’est le plus populaire qui gagne », ironise Naewenn. Et pas forcément le plus compétent…
Aruna nuance : « Kamala Harris n’est pas non plus la sauveuse du peuple qu’elle pensait représenter. La vraie gauche n’existe pas vraiment aux États-Unis. » Selon elle, cette élection a un goût de déjà-vu. Même si l’issue n’est pas la même, elle lui rappelle les duels successifs entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en 2017 et 2022. « La droite contre l’extrême droite », résume-t-elle. Arthur, chapka ornée d’une étoile rouge enfoncée sur la tête, surenchérit : « Les Américains avaient le choix de voter soit pour un parti fasciste soit pour un autre aux positions problématiques. »
Des félicitations au goût amer
En cause notamment, la question du Moyen-Orient. Kamala Harris, ambiguë, n’a pas dénoncé clairement le génocide en cours à Gaza, jugent-ils. De son côté, Donald Trump, n’a plus à prouver son allégeance au premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. « Il a au moins le mérite d’être clair sur sa position, lui », pointe Naewenn, étudiante en cinéma.
Un peu plus tôt, Noam a vu passer un tweet de Benyamin Netanyahou saluant la victoire du candidat Républicain comme étant « le plus grand retour de l’histoire » et « un réengagement puissant dans la grande alliance entre Israël et l’Amérique ». Une publication qui l’atterre. « Quand on reçoit les félicitations d’une personne qui commet un génocide, pas de quoi être fier… », souffle-t-il.
Réunis sur les bancs de l’université, d’autres étudiants digèrent leur déjeuner au restaurant universitaire du CROUS. Tous s’alarment des conséquences de la victoire trumpiste sur la guerre à Gaza, alimentée par les livraisons d’armes américaines. « La jeunesse parisienne de gauche s’inquiète », témoigne Chérif, étudiant en droit à Assas, venu profiter de la restauration étudiante de la Sorbonne. Peur de celui qui avait donné le feu vert, en 2020, à l’annexion des terres palestiniennes. Peur de celui qui a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, où il a transféré l’ambassade des États-Unis. Une décision qui avait largement freiné le processus de paix. Peur surtout que l’avenir soit plus sanglant qu’il ne l’est déjà.
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