Cacher la pauvreté plutôt que s’attaquer à ses causes, telle est la philosophie des arrêtés anti-mendicité pris régulièrement par certains maires sous couvert de lutte contre les « troubles à l’ordre public ». L’édile UDI d’Amiens, Brigitte Fouré, vient de s’ajouter à la cohorte au prétexte de l’approche de la période estivale et des prochains Jeux olympiques qui pourraient entraîner l’arrivée, redoute la mairie, de sans-abris chassés de Paris. À partir du 1er mai et jusqu’au 31 août, du mardi au samedi, de 8 heures à 20 heures, « l’exercice de la mendicité est interdit sur le domaine public », stipule le texte signé jeudi 25 avril par la maire de la cité picarde.
L’argumentaire est, lui, toujours le même, pointant une pratique qui « aux abords des commerces, de manière continue et statique constitue une occupation abusive du domaine public de nature à causer des troubles à l’ordre public en générant des attroupements avec parfois de l’alcoolisation » et « les plaintes récurrentes des commerçants ainsi que les interventions multiples des forces de l’ordre pour faire cesser ces troubles (mendicité agressive, alcoolisation, gêne à la libre circulation des piétons…) ». Comble du cynisme, l’arrêté trouve aussi dans « le plan pouvoir d’achat doté de 300 000 euros, présenté le lundi 22 janvier 2024 » une justification.
« Avec quelle autre catégorie de la population une maire pourrait se permettre ça ? »
Cette décision « nous choque toutes et tous », a réagi, dimanche sur BFMTV, Jérémy Dage, bénévole des Maraudes Citoyennes Amiénoises « On avait déjà entendu parler de cet arrêté de façon non officiel il y a quelques semaines, on avait répondu avec un rassemblement devant l’hôtel de ville. On avait prévenu que si jamais il passait on saisirait la Ligue des droits de l’Homme », rappelle le militant.
« À Amiens comme partout, la rue est un champ de ronces dans lequel tout le monde peut se retrouver coincé en ayant énormément de mal à s’en extirper. Les traces et les blessures que laisse cette épreuve à ces humains sont indélébiles. Alors, oui, il arrive que certains soient agressifs, la rue n’aide pas à se sentir en joie. Mais résumer la mendicité à de l’agressivité, c’est être aveugle à la réalité. Mendier n’est pas un plaisir ou une carrière, c’est une façon de survivre », rappelait alors l’association qui envisage désormais la possibilité d’un nouveau rassemblement dès le 1er mai.
Manuel Domergue de la fondation abbé Pierre dénonce un « arrêté anti-mendicité honteux » et son « argument totalement discriminatoire : il y a des SDF qui commettent des délits (déjà punissables sans arrêté municipal) donc on va interdire tous les SDF par précaution ». « Avec quelle autre catégorie de la population une maire pourrait se permettre ça ? », interroge-t-il qui fustige également « l’argument JO bonus (…) même si on n’a pas le moindre indice que ça pourrait se produire ».