Durant deux ans et demi, Luc Rémont avait fait de la relance du nucléaire une priorité. Mais ses désaccords avec l’État, redevenu l’unique actionnaire en 2023, sur la stratégie à adopter lui auront coûté son poste. Le PDG d’EDF a ainsi été brutalement remercié, vendredi 21 mars, par Emmanuel Macron, à trois mois de la fin de son mandat. Il avait été nommé le 23 novembre 2022 pour remplacer Jean-Bernard Lévy, débarqué également avant l’heure.
Quelques minutes seulement après que Luc Rémont a été convoqué sans préavis à Bercy en vue de se faire limoger, l’Élysée a désigné Bernard Fontana pour lui succéder, sur proposition du premier ministre. L’actuel directeur général de Framatome, filiale d’EDF fournissant notamment les cuves des réacteurs nucléaires EPR, doit prendre la relève dès que possible, une fois la décision approuvée par le Sénat et l’Assemblée nationale.
Le polytechnicien, spécialiste de l’industrie lourde, s’est illustré dans le redressement de l’entreprise. Cette annonce intervient quatre jours seulement après qu’Emmanuel Macron a convoqué un quatrième conseil de politique nucléaire (CPN), pour un point d’étape sur l’avancement du programme de construction des six EPR2, annoncé en 2022.
Dans un communiqué publié dans la foulée, l’Élysée avait sommé « EDF d’amplifier les actions de maîtrise des coûts et du calendrier et de présenter d’ici à la fin de l’année un chiffrage engageant, en coûts et en délais », tout en rappelant « la nécessité pour EDF de consolider la maîtrise industrielle du programme ».
« Le secteur de l’énergie a besoin d’un cap politique et industriel clair et stable »
Le président de la République, contraint d’annoncer que la première paire d’EPR n’entrera pas en service avant 2038 sur la centrale de Penly (Seine-Maritime), alors qu’il misait sur 2035, a donc mis un nouveau coup de pression sur les épaules de l’électricien, déjà en mauvaise posture.
Le désormais ex-PDG s’était en effet mis les industriels à dos, en leur proposant des prix au kilowattheure (kWh) plus chers via un système d’enchères. Une manière pour lui de mettre la main sur les 100 milliards d’euros nécessaires, selon la Cour des comptes, pour financer le chantier des six EPR2, avec en toile de fond le fiasco du réacteur de Flamanville 3 (Manche), mis en marche avec douze ans de retard et un surcoût d’environ 19 milliards d’euros.
Difficulté qu’EDF, alors piloté par Luc Rémont, avait surmontée, de même que les très importantes pertes de 17,9 milliards d’euros, en 2022, avant d’être redressé à 11,4 sur l’exercice 2024, ou encore la crise énergétique.
De son côté la FNME-CGT « déplore l’instabilité que provoque le remerciement de Luc Rémont en tant que PDG d’EDF. Alors que le secteur de l’énergie a besoin d’un cap politique et industriel clair et stable pour réaliser ses investissements colossaux, l’Élysée continue, comme dans son gouvernement, de jouer aux chaises musicales ».
Une position que partage Anne Debrégeas, ingénieure de recherche à EDF et porte-parole de SUD énergie, auprès de l’Humanité : « Il ne suffit pas de changer le PDG d’EDF pour sortir de l’impasse, il faut enfin admettre que l’électricité est fondamentalement inadaptée à la concurrence et revenir à un service 100 % public. »
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