Qui veut la peau des centres de santé à but non lucratif ? À Paris, premier désert médical de France par rapport à sa densité de population, plusieurs de ces structures sanitaires de proximité, qui réalisent principalement des soins pris en charge par l’assurance-maladie et pratiquent le tiers payant, sont menacées de cessation d’activité.
Depuis le début de l’année 2025, les salariés du centre médical Stalingrad (CMS), dans le XIXe arrondissement, craignent la fermeture totale ou partielle de leurs principaux services (radiologie, ophtalmologie, dermatologie, endocrinologie…). Un plan social est en cours, suite à un déficit de 1,7 million d’euros en 2023. Géré par la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France (Cramif) et la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam), cet établissement de secteur 1 (c’est-à-dire sans dépassement d’honoraires), qui accueille près de 30 000 patients réguliers à l’année pour 100 000 passages, devrait procéder à la suppression de 25 salariés sur ses 75 emplois d’ici au mois de mai.
Le centre médical de Réaumur (IIe arrondissement), géré également par l’assurance-maladie, menacerait, lui, de fermer son service de radiologie. L’été dernier, ce sont six centres de santé gérés par la Croix-Rouge qui ont mis la clé sous la porte en raison de difficultés financières. Comment ces structures pluriprofessionnelles, qui offrent des soins primaires sur des territoires en manque de travailleurs de santé, peuvent-elles se retrouver dans de telles difficultés ?
Une tarification à l’acte qui pose problème
Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) publié le 11 février, l’augmentation des dépenses réalisées par ces gestionnaires de santé est en cause, non compensée côté recettes. Entre 2016 et 2022, le montant total des coûts d’exploitation des centres de santé pluriprofessionnels (hors ceux gérés par des collectivités territoriales) a augmenté de 82 %, pour atteindre un total de 842,6 millions d’euros. Selon l’Igas, cela s’expliquerait en partie par l’augmentation des dépenses en personnel (+ 78 % de 2016 à 2022), dans un contexte d’inflation et de raréfaction des ressources médicales (manque de lits, pénurie de médecins…).
Rappelons également que les centres de santé sont rattachés aux collectivités territoriales, elles-mêmes étranglées par les baisses de budget. « La hausse récente des charges d’exploitation n’a pas été compensée par celle des financements, dont 80 % correspondaient aux honoraires sans ou avec dépassement : en 2022 en particulier, le taux de croissance des recettes a été nettement inférieur à celui des charges, ce qui a entraîné une détérioration de la situation économique et financière des centres », précise l’administration publique.
Mais le problème réside surtout dans le mode de financement à l’acte : la majeure partie des ressources allouées aux établissements dépend du nombre de soins et de séjours enregistrés pour toutes leurs activités de médecine. Pour résoudre le problème, une seule solution : la course à l’acte. Les centres de santé, dont « 80 % des financements » proviennent de cette tarification, « dépendent de la productivité des praticiens », souligne le document. Sauf que le rôle des centres médicaux à but non lucratif n’est pas de pousser à la surconsommation des actes de santé.
« Quand on soigne, il faut prendre le temps »
« On pourrait avoir des centres de santé bénéficiaires en ne réalisant que des actes peu coûteux comme des consultations pour des cas de grippe ou des angines. Cela se traduirait alors par des interdictions de s’occuper de patients atteints de maladies chroniques qui demandent plus de suivi, explique Alain Beaupin, président de l’institut Jean-François-Rey, association de recherche des centres de santé. Mais c’est de la médecine malhonnête. Quand on soigne, il faut prendre le temps et c’est ce que font les équipes de Stalingrad et de Réaumur. »
Le rapport de l’Igas formule donc une vingtaine de propositions pour sortir les centres de santé de cette morosité financière. La principale consisterait en une tarification alternative au paiement à l’acte pour les centres qui s’engagent dans une prise en charge conjointe entre médecins et infirmières.
« Il serait aussi possible de fonctionner au forfait. Le centre recevrait une enveloppe financière sur une année et éviterait ainsi que des gestionnaires véreux ne tentent de ne réaliser que des prestations à l’acte. Le forfait ne serait payé que pour chaque médecin s’étant déclaré médecin traitant au sein de la structure », réfléchit Alain Beaupin. Cette proposition mettrait fin aux arnaques.
Et enrayerait le développement, ces dernières années, des centres de santé privés lucratifs, dont certains n’hésitent pas facturer à la Sécurité sociale des soins qui n’ont pas été réalisées ou qui n’étaient pas indispensables pour profiter du remboursement intégral de l’assurance-maladie et de certaines mutuelles.
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