C’est une hécatombe silencieuse, une tragédie invisible, souvent traitée par la presse locale sur le mode du fait divers. Chaque jour en France, trois personnes meurent du travail, que ce soit au cours de leur exercice professionnel, durant leurs déplacements ou du fait de maladies professionnelles.
C’était tout l’objet du débat organisé à l’Agora de la Fête de l’Humanité, vendredi 13 septembre, qui a réuni Fabienne Bérard, fondatrice du collectif Familles : stop à la mort au travail ; Véronique Daubas-Letourneux, sociologue, enseignante-chercheuse à l’École des hautes études en santé publique ; Bruno Bothua, vice-président de la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment ; Pierre Dharréville, élu PCF ; Valérie Labatut, du bureau CGT inspection du travail, et Anthony Smith, ancien inspecteur du travail et député européen FI.
Pendant une heure, les intervenants ont cherché à expliquer pourquoi tant de travailleurs s’abîment au boulot (la France recense plus de 700 000 accidents du travail tous les ans), dans l’indifférence quasi généralisée. « L’accident du travail est un fait social ! » martèle Véronique Daubas-Letourneux, qui nous dit quelque chose de l’organisation du travail et des finalités que lui assigne le capitalisme. Course à la productivité, baisse des effectifs et précarisation de l’emploi constituent un cocktail explosif qui broie les corps et disloque les collectifs.
Le BTP, premier secteur touché
Un sort particulier a été fait au secteur du BTP, particulièrement accidentogène, où 168 travailleurs ont perdu la vie en 2022, selon les statistiques de la Sécurité sociale. Il a été rappelé que, sur les chantiers, la sous-traitance en cascade dilue la responsabilité en cas de problème, tout en poussant les derniers maillons de la chaîne à rogner sur la sécurité, faute de marges suffisantes.
« On rencontre parfois sur les chantiers des salariés qui ne connaissent même pas l’identité de leur employeur », souligne Valérie Labatut, qui rappelle que la parcellisation du travail fait se côtoyer sur un même espace des intérimaires, des autoentrepreneurs, des CDD ou des salariés en CDI.
Fabienne Bérard a raconté l’expérience traumatisante (la mort de son enfant sur un site de forage pétrolier) qui la décidée à fonder son association. Elle a rappelé aussi que le parcours des familles de victimes qui tentent d’obtenir réparation en justice s’apparente à un chemin de croix, où les coûts financiers (obsèques, frais de rapatriement, d’avocats, etc.) s’ajoutent au choc psychologique.
Le débat ne s’est pas limité à dresser un constat. L’Humanité milite pour la création d’un observatoire national des morts au travail afin de remédier à un manque. La Sécurité sociale recense tous les salariés décédés ayant cotisé au régime général, mais elle ne le fait ni pour les travailleurs indépendants, ni pour les travailleurs agricoles, ni pour les fonctionnaires.
Il y a des chiffres qui existent pour certaines de ces catégories, mais qui restent parcellaires, d’où la nécessité de créer un véritable observatoire national dont l’objectif serait double : d’abord mener un travail d’enquête, afin de compiler toutes les données et de trouver celles qui manquent ; ensuite, porter dans le domaine public des propositions concrètes.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
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