Où va la France quand d’un côté un résistant étranger et communiste, Missak Manouchian, reçoit la consécration d’être transféré au Panthéon, alors que de l’autre, la République sociale recule et l’extrême droite monte toujours plus dans les sondages ? C’est à cette question qu’ont répondu les invités au débat annuel de l’assemblée générale des Ami.e.s de l’Humanité. « Nous avons vécu l’hommage de toute la nation à un camarade, et nous avons surtout assisté à la reconnaissance de l’humanisme de ces étrangers morts pour la France », mesure Pierre Ouzoulias.
Le sénateur PCF, petit-fils du résistant Albert Ouzoulias et membre du comité pour la panthéonisation de Manouchian, apprécie que tant de jeunes se soient sentis concernés par cette cérémonie : « Ils s’interrogent. Comment peut-on mourir pour la France lorsqu’on est apatride ? Quels étaient les combats de Manouchian ? Quel sens donner à sa vie ? Ils aiment la chanson de Ferré reprise par Feu ! Chatterton et en comprennent parfaitement le sens. »
Une victoire culturelle totale ?
Le parlementaire révèle aussi que l’armée française était opposée à cette panthéonisation. « Elle estimait que Missak était un soldat de l’ombre, un non-régulier. La cérémonie au Mont-Valérien, la veille de l’entrée au Panthéon, est la façon dont Macron impose à l’armée de reconnaître en Manouchian un combattant de la nation. » Et Pierre Ouzoulias de reconnaître à quel point le président de la République a su souligner « le sens de l’idéal communiste » devant le temple républicain.
De quoi s’enthousiasmer d’une victoire culturelle totale ? « La présence de Marine Le Pen lors de cette journée et le vote de la loi immigration quelques semaines plus tôt avec les voix du RN montrent que nous vivons une période très grave et dangereuse à la fois pour les étrangers et pour toute la République. La Macronie reprend les obsessions de l’extrême droite, les légitime et lui offre un boulevard », note Rosa Moussaoui. La journaliste de l’Humanité rappelle l’engagement internationaliste des FTP-MOI, ces immigrés antifascistes qui, pour beaucoup, avaient adhéré au PCF et à la CGT et s’étaient formés au sein des Brigades internationales.
« Les résistants ne voulaient pas seulement faire tomber le nazisme. Ils ambitionnaient de bâtir une société nouvelle. Et c’est ce qu’ils ont fait : l’application du programme du Conseil national de la résistance, dont on célèbre les 80 ans, constitue une révolution copernicienne », poursuit Pierre Caillaud-Croizat. Le petit-fils d’Ambroise Croizat, bâtisseur de la Sécurité sociale, invite à relire ce programme. « Il a valeur civilisationnelle. Il a changé le visage de la France en quelques mois et est plus que jamais d’actualité face au capitalisme et à l’extrême droite. »