Gérald Darmanin, tout fraîchement nommé ministre de la Justice, a multiplié les déplacements le jour de Noël avant de se rendre au JT de TF1 jeudi 26 décembre. Sur le plateau comme au tribunal judiciaire d’Amiens ou au centre pénitentiaire de Liancourt, le ton est donné : répression, répression, répression.
La grande absente des déclarations du nouveau garde des sceaux ? La réinsertion, et avec elle ceux qui en sont chargés : les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).
Les syndicats en alerte
Ça l’a tout de suite alertée. « À aucun moment il n’évoque l’accompagnement ou la réinsertion », relève immédiatement Kelly Bianco, secrétaire nationale de la CGT Insertion probation (CGT IP) qui représente les SPIP chargés d’accompagner les personnes placées sous main de justice.
La nomination de Gérald Darmanin inquiète ces personnels aussi bien les magistrats. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, « il avait une posture très critique vis-à-vis du ministère de la Justice », rappelle Kelly Blanco. Une référence à la participation du ministre au rassemblement du syndicat policier Alliance le 19 mai 2021 lors duquel le syndicaliste Fabien Vanhemelryck avait déclaré : « le problème de la police, c’est la justice ! »
Au soutien de son discours répressif, Gérald Darmanin met en avant la lutte contre la récidive et la « soif de justice des Français ». Un discours qui interroge les syndicats sur le devenir « des grands principes de réinsertion et d’individualisation », s’inquiète Aurélie Doraphé, secrétaire nationale de la CGT IP.
La prison comme seule référence
Le garde des sceaux appelle à « plus de rapidité, plus de fermeté ». Se déclarant « très sensible » à l’exécution des courtes peines, Gérald Darmanin a annoncé vouloir faire construire des « prisons à taille humaine » sur tout le territoire national pour les faire exécuter. Un discours qui « entretient l’idée qu’une justice est bonne à partir du moment où elle juge vite et sévèrement alors qu’au contraire, elle apporte le risque d’un recours automatique à l’enfermement », ajoute Jean-Claude Mas directeur de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP).
Alors que l’urgence est la déflation carcérale, avec un taux de surpopulation de 150 % selon l’OIP, la réponse serait de construire toujours plus de places de prison. Mais créer des places ne fait pas réduire la population carcérale, au contraire « cela n’appelle qu’à incarcérer encore davantage », rappelle Kelly Bianco. « Entre 1990 et 2024 on a créé 25 000 places et enfermés 35 000 personnes supplémentaires », souligne Jean-Claude Mas.
Gérald Darmanin veut aussi « nettoyer les prisons » – et ressort de son chapeau les « opérations place nette » inventées place Beauvau-, comprendre : ordonner la chasse au téléphone portable pour les personnes détenues et le brouillage intégral autour des établissements. Manque de connaissance ou effet d’annonce, son discours sécuritaire exclut toute réflexion sur « d’autres sanctions que la prison », se désole Aurélie Doraphé. Interrogé jeudi soir sur TF1, il admet « la peine ce n’est pas forcément la prison » sans, encore une fois, en évoquer une seule autre.
Le journal des intelligences libres
« C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. »Tel était « Notre but », comme l’écrivait Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité.120 ans plus tard, il n’a pas changé. Grâce à vous. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.Je veux en savoir plus !