En juillet 2020, il y a maintenant presque quatre ans, alors que le pays était plongé en pleine pandémie de Covid-19, Emmanuel Macron annonçait un grand « plan de relance » à 100 milliards d’euros, abondé par des fonds européens. L’objectif affiché : « Faire la relance industrielle, écologique, locale, culturelle et éducative » et « bâtir un pays différent d’ici à 10 ans » selon les propres mots du chef de l’État. Le plan dont le but affiché est de relancer l’activité et de transformer l’économie est divisé en trois volets, dotés d’environ 30 milliards d’euros chacun : Écologie, Compétitivité, Cohésion.
Pourtant, selon un bilan publié mardi 7 mai par l’Observatoire des multinationales, les entreprises privées en ont été les principales bénéficiaires, percevant jusqu’à deux tiers des fonds déjà dépensés. Et les montants se chiffrent en milliards même si les promesses initiales n’ont pas été tenues et que l’opacité règne.
Transparence « lacunaire »
Fin novembre 2023, 72,8 milliards d’euros ont été décaissés par l’État, d’après les données de la direction du Budget transmises au comité d’évaluation du plan de relance. « Ce montant correspond aux crédits de paiement effectivement versés à différents acteurs. Il est possible que certaines entités n’aient pas encore reversé tout ou une partie de ces fonds », explique l’Observatoire des multinationales, précisant que « les crédits de paiement sont à distinguer des autorisations d’engagement, l’enveloppe que l’État s’est juridiquement engagé à débourser sur plusieurs années ». « Fin 2022, 89 milliards étaient ainsi engagés, contre les 100 initialement prévus. En novembre 2023, 7 des 100 milliards du plan de relance n’avaient toujours pas fait l’objet d’engagements », conclut le média en ligne.
L’Observatoire des multinationales constate, à l’instar de Transparency International France, ONG de lutte contre la corruption, que la transparence du plan de relance a été « lacunaire ». « Face à une myriade de dispositifs dispatchés dans des programmes budgétaires différents et pour lesquels les données manquent, nous avons bien bataillé », témoigne les auteurs de l’enquête. « La France (…) ne donne pas les bénéficiaires finaux de son plan de relance, mais liste essentiellement des opérateurs de l’État, soit différentes instances intermédiaires qui redistribuent les financements par la suite », regrette également le comité d’évaluation de France Relance, un organisme sous la tutelle du premier ministre qui avait lui-même jugé en janvier l’exercice « particulièrement complexe ».
L’écologie et les services publics sacrifiés
L’association, qui enquête régulièrement sur les dividendes versés par les groupes du CAC 40 ou les stratégies d’influence des multinationales, assure qu’« au moins 29,5 milliards d’euros ont bénéficié directement aux entreprises », notamment via la baisse des impôts de production. À ces soutiens directs s’ajoutent « 17,7 milliards d’aides à l’emploi, comme les subventions pour l’embauche de jeunes et d’apprentis », poursuit le média en ligne. « Et sans doute aussi les aides » à la rénovation ou à l’achat de voitures électriques, qui ont profité aux consommateurs, mais aussi « aux fournisseurs des produits et services concernés ».
Avec ce calcul, « la proportion des dépenses de relance qui ont bénéficié exclusivement ou en grande partie aux entreprises dépasse, dès lors, les deux tiers des sommes décaissées », conclut l’Observatoire. Les organismes publics (État, collectivités locales, SNCF…) ont eux capté 19 % des montants déjà dépensés, tandis que 11 % des fonds déboursés sont déclarés « inclassables » par le média en ligne.
« Les grands perdants de l’austérité risquent bien d’être les services publics et l’écologie : ce sont les domaines qui ont le moins bénéficié du plan de relance et dont les budgets sont les plus diminués » dans le décret de février qui a acté 10 milliards d’économies dans les dépenses de l’État, conclut le comité d’évaluation.
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