Neige en abondance, températures négatives : la brusque dégradation de la météo connue à partir de jeudi 21 novembre sur une bonne partie du territoire national a, inévitablement, frappé avec dureté les personnes les plus fragiles. À Paris, où 3 492 personnes sans solution d’hébergement ont été recensées en 2024 (+ 16 % par rapport à 2023), leur protection constitue un enjeu littéralement vital : « Le fait d’être sans-abri, sans domicile ou sans chez-soi constitue un facteur de mortalité prématurée indépendant de tout autre facteur social défavorable », rappelle le Collectif des morts de la rue, qui a recensé au moins 826 décès en France en 2023.
Activation du Plan grand froid
Depuis une vingtaine d’années, la capitale met en place un plan hiver. « Nous assumons seuls cette mesure sans l’aide de l’État, rappelle Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de la protection des réfugiés et de l’hébergement d’urgence. Cette année, nous allons ouvrir 80 places d’hébergement, pour des hommes isolés, à partir du 2 décembre jusqu’au 30 mars 2025. Des petits-déjeuners et dîners seront distribués ainsi que des kits d’hygiène. L’objectif est de construire des parcours de prise en charge adaptés à la situation des personnes ». Depuis l’hiver 2023, 1 200 personnes ont été mises à l’abri dans des gymnases ou des écoles désaffectées, et « 758 personnes sont encore hébergées actuellement. Toutes les autres ont réussi à trouver des solutions de relogement », complète l’élue.
Côté État, le Plan grand froid est mis en place quand « les températures atteignent des valeurs nettement inférieures aux normales saisonnières de la région concernée » et que cette situation dure « au moins deux jours », précise Météo France, qui participe au Plan depuis 2022. Le dispositif permet aux préfets d’augmenter les moyens humains et financiers consacrés aux maraudes et au 115, le numéro d’urgence pour les personnes sans-abri. Mais si, dans ce cadre, des places d’hébergement en urgence peuvent être ouvertes, cela reste insuffisant et temporaire.
Compenser le désengagement de l’État
Chaque hiver, la mairie de Paris réquisitionne certains lieux pour y servir des repas chauds. C’est le cas du restaurant administratif de l’Hôtel de ville, initialement destiné aux fonctionnaires, et du restaurant Émeraude, dans le 20e arrondissement. Ils accueillent respectivement 250 et 150 personnes par jour. Une centaine de petits-déjeuners sont aussi distribués dans une salle de l’Académie du climat. Ces dispositifs exceptionnels s’ajoutent aux 30 000 repas distribués chaque jour dans la capitale. De leur côté, certaines associations proposent aux personnes sans-abris des lieux de repos temporaires : « Le propriétaire d’un bâtiment nous a mis gratuitement à disposition un bâtiment situé à Bagnolet. Nous y avons accueilli 1 600 personnes depuis juillet » explique Alice Corrocher, coordinatrice pour Utopia 56 Paris. « Nous avons aménagé l’espace pour y installer des dortoirs et des sanitaires. Le lieu, qui héberge environ 120 personnes par jour, devrait être ouvert au moins jusqu’en décembre », ajoute-t-elle.
Mais à l’instar du Plan grand froid, ces solutions restent momentanées. « Elles ne remédient malheureusement pas à la racine du problème qui provient de la crise du logement », souligne Emmanuel Bougras, à la Fédération des acteurs de la solidarité : « Une fois que les températures remontent, les personnes hébergées retournent à la rue. Il n’y a pas d’accompagnement et de travail social effectué ». Constat partagé par Léa Filoche : « Dire aux personnes qu’elles doivent repartir est difficile, y compris pour les équipes qui les accompagnent. Pour nous, c’est insupportable de subir le désengagement de l’État ! » La France compte actuellement 203 000 places d’hébergement d’urgence. Un chiffre insuffisant, et que les associations estiment menacé, malgré les promesses du gouvernement quant à son maintien. « Nous sommes assez inquiets car la loi de finances 2025 prévoit une baisse de 75 millions d’euros du budget dans l’hébergement d’urgence, reprend Emmanuel Bougras. Nous demandons une politique du logement ambitieuse qui augmente le parc social et agisse sur le parc privé en encadrant davantage les loyers ». Dans un communiqué publié le 21 novembre, l’association Droit au logement réclame l’application de la loi sur les réquisitions. Tandis que la capitale contient quelque 133 000 logements vides, des milliers de personnes continuent de dormir dans ses rues. Au péril de leur vie.
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