À l’hôpital Delafontaine, le moral est en berne. L’un des plus grands établissements de santé public du département de Seine-Saint-Denis connaissait déjà une surfréquentation couplée à un manque de moyens notamment humains. Mais à ces soucis quotidiens, se sont rajoutés ceux engendrés par l’organisation des jeux Olympiques avec des problèmes d’accès compliquant encore le quotidien des personnels.
Leur tourment estival a commencé par la fermeture le 15 juillet de la bretelle de l’autoroute A1, qui dessert l’hôpital. Un coup dur pour les agents qui s’étaient vu promettre par la direction qu’il n’y aurait « aucun changement » durant la période des Jeux dans une note de service, quelques mois auparavant.
La fermeture partielle de cette sortie, utilisable uniquement par les personnes accréditées pour les Jeux olympiques, contraignait le personnel à des détours rallongeant de « vingt à trente minutes » leur trajet habituel, selon Stéphane Degl’Innocenti, délégué syndical SUD.
« Nous ne sommes que deux sages-femmes pour 26 lits »
Une situation très problématique qui avait poussé Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et directeur de l’Humanité, à écrire une lettre au préfet du département, demandant un « laissez-passer aux personnels de l’hôpital », pour qui ce changement soudain « complexifie leur situation professionnelle et leurs conditions de travail ».
Les plaintes du sénateur et des agents ont été vite entendues par la préfecture. Quelques jours plus tard, la direction expliquait dans une note de service, le 30 juillet, avoir trouvé un accord pour la mise en place d’un système de badge afin d’emprunter cette fameuse bretelle d’autoroute. Problème, la mesure ne concerne que « le personnel soignant » de l’hôpital. Les autres agents, notamment le personnel administratif avec une possibilité de télétravail, mais aussi les techniciens, ne sont pas concernés.
Comme le rappelle Abdelhak Zombo, secrétaire général de la CGT Delafontaine, « nous avons 600 personnes qui travaillent ici chaque jour. Cette autorisation de circulation n’est valable que pour les soignants, soit seulement 250 personnes »… Un choix qui dénote d’un deux poids deux mesures pour « ceux qui ne soignent pas mais sont quand même indispensables », souligne Édith Rain, sage-femme dans l’établissement.
Sa collègue, affectée au service des grossesses à hauts risques, Nour Merabet, s’inquiète également pour l’accès des patientes avec une possible « augmentation des accouchements à domicile ou dans l’ambulance à cause du monde sur la route ». Elle rapporte également des cas accrus d’annulations de suivi de grossesse de femmes qui « craignaient de ne pas pouvoir accéder à l’hôpital ».
Il faut dire que cette situation s’ajoute au manque d’accès aux soins en Seine-Saint-Denis. Pour le cégétiste Abdelhak Zombo, « la crise du Covid avait déjà exposé la fragilité que nous connaissons dans ce secteur essentiel. Et ces JO sèment une dose de mépris supplémentaire pour le personnel en sous-effectif qui travaille d’arrache-pied ». Ainsi, au service des grossesses à hauts risques, selon Nour Merabet, « nous ne sommes que deux sages-femmes pour 26 lits ».
Un manque de bras qui a conduit à réduire les capacités d’accueil par moments, passant de 28 à 26 places, alors que l’hôpital est l’un des plus demandés du département. L’établissement suit aussi une politique de protection des patientes en situation de grande précarité qui y restent tant que les conditions de leur sortie ne sont pas assurées.
Dans ce territoire où, d’après l’association Samusocial, 12 % des personnes sans abri en 2023 étaient des femmes, la structure s’engage à ne pas renvoyer de mères à la rue sans suivi. Pourtant, à l’automne 2023, la réduction des chambres d’hôtel disponibles, en perspective là encore des JO, et des places en centre d’hébergement, avait poussé les sages-femmes à réclamer au gouvernement des lieux supplémentaires pour ces femmes et leurs enfants afin de pouvoir libérer des lits dans l’établissement en surchauffe. Ce problème et les dernières difficultés en matière d’accessibilité ont contribué à rendre le niveau de ras-le-bol des personnels… olympique.
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