Belkacem Hamoud exerce dans un désert médical qu’il risque de devoir quitter en décembre, faute de statut adéquat. En charge du fonctionnement des deux centres médico-psychologiques à Gonesse, il s’inquiète de la fin de son contrat de praticien attaché associé (PAA), dont beaucoup de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) dépendent. « On veut m’empêcher d’exercer alors que le secteur a besoin de soignants », se désole le médecin formé en Algérie.
Il s’est pourtant spécialisé dans un domaine en souffrance et en pénurie de personnel : la pédopsychiatrie. Belkacem Hamoud n’est pas le seul à être poussé vers la sortie – malgré le besoin criant de professionnels de la santé – en raison d’un diplôme obtenu à l’étranger : 2 650 autres médecins le sont également. Ils dénoncent le nouveau statut qui leur est proposé par le ministère de la Santé et des Solidarités, lieu devant lequel ils sont mobilisés ce mardi 14 mai.
Déjà formés mais forcés de passer des concours
L’ensemble de l’intersyndicale, dont la CGT, SNMH-FO, Amuf et l’intercollectif Padhue s’insurgent contre les contrats de praticien associé à caractère temporaire (Pact), décriés à cause de la précarisation qu’ils induisent. Ils ne seront renouvelables qu’à deux reprises, pour une période de treize mois chacune, avec un salaire supérieur à seulement 20 % de celui des Faisants fonction d’internes (FFI).
« Ces médecins qui viennent de l’étranger subissent un traitement déloyal et discriminatoire, alors qu’ils sont indispensables au fonctionnement de notre système de santé ! » dénonce Mohamed Farid, délégué syndical CGT au centre hospitalier de Gonesse. Emmanuel Macron avait pourtant déclaré, lors d’une conférence de presse en janvier, qu’il souhaitait « régulariser nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras nos services de soins », ces derniers étant plongés « dans une précarité administrative qui est complètement inefficace ».
Leurs déboires administratifs s’expliquent en raison des épreuves de vérification de connaissances (EVC), concours dont l’échec entraîne une interdiction d’exercer depuis le 1er janvier 2024. Les médecins plaident pour une évolution. « On voudrait que les services rendus et les diplomations initiales soient pris en compte », établit Éric Tron de Bouchony, coanimateur du collectif Ufmict-CGT, tout en déplorant le quota de réussite établi à 20 %. Siham* n’a pas été retenue, malgré ses treize années d’expérience en Algérie et en France en tant qu’oto-rhino-laryngologiste (ORL). Elle n’est plus autorisée à exercer son « métier de cœur ».
Après une période de chômage, la soignante est devenue professeure de biologie dans un lycée, par dépit. « J’aimerais faire mon travail mais je suis administrativement bloquée », déplore-t-elle. Bijou, quant à elle, psychiatre venue tout droit de République démocratique du Congo, a aussi raté l’examen de peu : il lui aurait fallu la note de 13 pour être sélectionnée.
Elle a obtenu 12,8. La spécialiste de la neuropsychiatrie confie : « Ce chiffre après la virgule détermine mon avenir », tout en se questionnant sur le faible taux de réussite. Pour Mohamed Farid, la cause est « purement idéologique, on ne veut pas des médecins étrangers », suspecte-t-il. Sa parole faisant tristement écho à la turpide loi immigration, votée en décembre 2023
* Le prénom a été changé.