Sur la place du Trocadéro, ce lundi 22 avril, les touristes n’avaient pas que la tour Eiffel à photographier. Devant eux, un cortège d’enseignants de Seine-Saint-Denis se prépare. Les drapeaux des différents syndicats (CGT, FSU, SUD et CNT) se mêlent aux pancartes et aux slogans. Cela va faire deux mois qu’un mouvement de grève a été lancé dans le département afin de réclamer le plan d’urgence mis au point par l’intersyndicale.
Chiffré à 358 millions d’euros, celui-ci doit permettre la création de 5 000 postes d’enseignants et un peu plus de 3 000 emplois de vie scolaire. Reçus lundi 15 avril par Nicole Belloubet, la ministre de l’Éducation, les syndicats dénoncent d’une seule voix un gouvernement qui n’entend pas leurs revendications.
« À cette réunion, la ministre ne nous a rien proposé et a dit qu’il lui faudrait un mois pour nous faire une proposition chiffrée. Ça m’a juste donné envie d’en faire plus », raconte Audrey, enseignante à l’école maternelle Stendhal à Aubervilliers. Pour cette dernière, Nicole Belloubet « joue la montre, avec notamment la perspective des vacances d’été, en espérant que notre mouvement s’essouffle. Mais on reste motivés ».
« On ne va rien lâcher »
Au volant de la camionnette qui mène le peloton, Sylvain, de la CGT, garde lui aussi confiance. L’intersyndicale, qui fonctionne depuis plus de deux mois, c’est ce qui fait la force de cette mobilisation, selon lui. « On va tenir la grève toute l’année, et même plus s’il le faut. Les parents d’élèves nous soutiennent également. Ils placent énormément d’espoir dans l’école publique. Pour eux, c’est le moyen pour leurs enfants d’avoir un avenir », indique-t-il.
« Quand il faut trouver de l’argent pour Marseille, on le trouve ! Quand il faut trouver de l’argent pour les JO, aussi. Je pense qu’ils vont donc réussir à trouver de l’argent pour la Seine-Saint-Denis… Ils vont devoir en tout cas, parce qu’on ne va rien lâcher », poursuit Sylvain, en faisant référence aux 400 millions d’euros investis en 2022 dans le plan de rénovation « Marseille en grand » et aux 174 millions d’euros dépensés pour construire une piscine olympique à Saint-Denis en vue des JO.
Une opposition aux « groupes de niveau » souhaités par Gabriel Attal
Dans le lycée où elle travaille, Célia doit régulièrement faire face aux souris, aux fuites d’eau et à la mauvaise isolation. « Quand les élèves aperçoivent une souris en classe, ça les déconcentre et ça nous fait perdre du temps. En hiver, certains jours, on a dû faire cours en manteaux », explique-t-elle.
Pour la rénovation des bâtiments scolaires, l’intersyndicale demande à l’État des collectifs budgétaires, car les collectivités territoriales n’ont pas les moyens d’y faire face seules. Pour la professeure d’anglais, l’annonce des groupes de niveau que souhaite mettre en place le gouvernement dès l’année prochaine est une manière de faire du tri social : « C’est une énième tentative de mettre au pas la jeunesse. Toutes les recherches montrent que ces groupes de niveau, au mieux, ne fonctionnent pas, voire freinent les élèves en les catégorisant. On veut une école qui émancipe, pas une école qui trie. »