Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), correspondance particulière.
« Nous sommes dégoûtés et en colère », souffle Julien. Comme nombre de ses camarades, cet agent de production a appris la fermeture de l’usine Michelin dans laquelle il travaille depuis 2011, le 5 novembre dernier. Alors, aujourd’hui, le quinquagénaire est évidemment venu manifester, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), avec Vincent et 130 de leurs collègues de l’usine de Cholet (Maine-et-Loire), aux côtés des employés de Vannes (Morbihan) et des syndicalistes locaux. « On est partis de Cholet à 5 heures du matin », explique-t-il. Un réveil matinal nécessaire car, après le choc des annonces, c’est le moment de mettre la gomme pour se faire entendre.
À l’initiative de la CGT, rendez-vous était donné à midi, ce mercredi 13 novembre, sur la place du 1er-Mai. Mais déjà dans la matinée, les mobilisés s’activent pour accueillir leurs camarades des usines de Vannes et Cholet. Musique, ravitaillement, pancartes, fumigènes : tout est prêt. Les grands barnums rouges ont été installés à quelques centaines de mètres du site des Carmes, le siège social de Michelin. Bonnets, écharpes, colère et cafés chauds sont de sortie. Les Clermontois sont minoritaires, mais de nombreux syndicalistes sont venus de Bourges, du Puy, de Lorient et des autres sites français du géant du pneu pour soutenir leurs camarades.
« On est tous dans le même bateau »
« Nous sommes ici en solidarité pour nos 1 254 collègues de Vannes et de Cholet, indique Pierre Papon, délégué syndical de la CFDT du groupe. On ne va rien lâcher pour eux, pour qu’ils se sentent accompagnés dans les jours qui arrivent. » Mais pas question pour la direction que la manifestation perturbe la productivité des autres salariés : la veille, tous ont reçu la consigne d’éviter les lieux. « Nous recommandons à tous les résidents du site des Carmes de privilégier le télétravail, les réunions en distanciel, d’annuler les déplacements inter-sites », ont-ils reçu par mail.
Les salariés bretons sont les premiers à garer leur bus sur les graviers bruns, sous les coups de 11 heures. « Ça a bien roulé », lance Christophe, délégué syndical de la CGT Michelin de Vannes. Pour lui, l’objectif d’aujourd’hui est clair : revendiquer le maintien des emplois et des salaires auprès de la direction, lors du CSEC (comité social et économique central) exceptionnel prévu dans l’après-midi. « Le problème, c’est que Michelin est dans une optique de toujours plus de dividendes pour les actionnaires. Il oublie que, derrière, il y a des humains qu’il met à la rue. Pour certains, illustre-t-il, c’est le deuxième, voire le troisième plan social qu’ils subissent. Il y a eu Poitiers, La Roche-sur-Yon… Certains se font surnommer les “chats noirs”. »
« Aucun d’entre nous n’est à l’abri. On est tous dans le même bateau », s’inquiète Dominique, salarié clermontois de Michelin (site de la Combaude). Rien qu’à Clermont, explique-t-il, plusieurs sites ne « vont pas très bien », à l’image de Cataroux ou des Gravanches. C’est aussi le cas des usines de Tours ou de Troyes. Pour ce militant communiste, la solution est évidente. « Ce sont des choix ! C’est inadmissible de voir que le groupe fait 3,5 milliards de bénéfices et qu’on ferme des usines. Les profits doivent servir à maintenir les emplois. Il faut imposer l’interdiction des licenciements. »
Marianne Maximi, députée de la 1re circonscription du Puy-de-Dôme, est également venue soutenir les salariés de la multinationale locale. « L’État devrait agir, affirme-t-elle. On n’est pas dans une entreprise qui se porte mal : c’est un exemple assez éloquent d’une entreprise qui fait des bénéfices, qui verse des dividendes, qui engage un plan de rachat d’actions et qui délocalise sa production pour faire encore plus de profits. »
Dans la foule qui manifeste de la place du 1er-Mai jusqu’aux Carmes, Cécile et Nelly, toutes deux salariées du site de Cholet, sont encore sonnées par la violence avec laquelle s’est faite l’annonce de la fermeture de leur usine. « Ils n’ont même pas eu le courage de venir nous le dire eux-mêmes, on était parqués dans une salle, et, après l’annonce, ils nous ont dit de rentrer chez nous. » Une violence qui se traduit encore ici, alors que le cortège arrive sur le site des Carmes. Derrière les vastes baies vitrées du bâtiment flambant neuf, une quinzaine de CRS attendent, bien au chaud, au cas où les manifestants décideraient de s’introduire à l’intérieur.
Mais, après les prises de parole des syndicats, ainsi que celle de la députée FI Mathilde Panot, également venue soutenir les salariés licenciés par le groupe, pas de débordement. La manifestation s’est conclue sur une assemblée générale des syndicats, qui, déjà, sont bien déterminés à préparer la suite.
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