Nouvelle levée de boucliers contre la réforme gouvernementale de la sûreté nucléaire française, dont l’examen s’ouvre dans l’hémicycle à compter du 13 mars, triste anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Ce mardi midi, plusieurs centaines de salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), arborant des masques floqués d’une croix rouge, se sont réunis à l’appel de l’intersyndicale pour marcher en direction de l’Assemblée nationale. « Démantèlement, on n’en veut pas », scandaient les détracteurs du projet de loi impliquant l’absorption de l’IRSN, par l’Agence de sûreté du nucléaire (ASN), le gendarme du secteur, pour ne former plus qu’une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
Présentée en Conseil des ministres en décembre, puis adoptée en première lecture au Sénat le 13 février, cette réforme vise selon l’exécutif à « fluidifier » les procédures d’autorisation à l’aube de la relance du nucléaire engagée par Emmanuel Macron. « Better, faster, cheaper », mais à quel prix ? « Cela reviendrait à mettre l’expertise sous tutelle du décideur », explique le délégué syndical de la CFDT, François Jeffroy, expert en facteurs humains et organisation à l’IRSN.
De même que la quasi-totalité de ses collègues, ce membre de l’intersyndicale est inquiet des conséquences que pourrait avoir cette loi, programmée pour entrer en fonction le 1er janvier 2025, sur le niveau d’expertise de l’organisme. Arnaud Querel, chercheur en physique de l’atmosphère, évoque, lui, la complexification à venir des collaborations européennes que provoquerait une telle fusion. « Ces échanges sont fondamentaux pour la recherche en gestion de crise, on ne peut les limiter si l’on veut que la qualité de nos recherches perdurent », soutient-il, alors que la manifestation s’installent devant les Invalides.
Des députés en soutien
« Nous avons actuellement toutes les compétences nécessaires pour produire une expertise de sûreté et de sécurité d’une installation nucléaire et de radioprotection au sein de l’IRSN », fait valoir François Jeffroy. Cette réorganisation pourrait gravement dégrader ce savoir-faire tricolore, pourtant reconnu dans le reste du monde. Venue soutenir les manifestants à quelques jours de l’ouverture de l’examen du texte, la députée écologiste Julie Laernoes abonde en ce sens : « Nous avons aujourd’hui un modèle de sûreté dual, robuste et qui a fait ses preuves. Par cette réforme, le gouvernement est sur le point de l’affaiblir sciemment ».
D’autres parlementaires, anti et pro-nucléaires confondus, à l’instar d’Anne Stambach-Terrenoir (LFI), Benjamin Saint-Huile (LIOT), Gérard Leseul (PS) ou même Mireille Clapot (En commun) de la majorité, ont officiellement affiché leurs réserves vis-à-vis de ce projet de loi. Si certains élus se sont prononcés, la position des différents groupes concernant l’avenir des ces organismes est pour l’heure encore éparse.