Le fiasco de la centrale de Flamanville 3 (Manche) aura-t-il servi de leçon aux acteurs du nucléaire tricolore ? Pour la Cour des comptes, qui estime à 23,7 milliards d’euros le coût de l’EPR (European pressurized Reacteur) contre les 3,3 milliards budgétés en 2007, la filière est « loin d’être prête ».
Dans un rapport, présenté ce mardi 14 janvier par son premier président, Pierre Moscovici, la haute juridiction de la rue Cambon appelle l’Etat et EDF à lever les incertitudes persistantes au-dessus du programme de construction des EPR2, avant d’y sauter à pieds joints.
Finalement raccordé fin décembre avec 12 ans de retard, le premier exemplaire du réacteur nouvelle génération sur le sol français a ouvert un chapitre : celui du vaste plan de relance du nucléaire annoncé par Emmanuel Macron en février 2022, lors de son discours à Belfort. Il prévoit six EPR2 d’ici à 2035-2050, et une option sur huit autres. La première marche en comprend deux à Gravelines, près de Dunkerque, dans le Nord, une autre paire au Bugey dans l’Ain, puis une dernière à Penly en Seine-Maritime. « Le programme est très volontariste et ambitieux », a souligné Pierre Moscovici, mardi matin.
Un projet émaillé « de nombreux risques »
Pour la Cour des comptes, les premiers éléments d’une relance de la filière EPR mis en place depuis la publication du précédent rapport en 2020, vont dans le bon sens. Par exemple, la loi d’accélération du nucléaire, du 22 juin 2023, celle du 11 avril 2024, visant à protéger le groupe EDF d’un démembrement, le projet de Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), dont font partie les projets de troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) ou de Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
La réforme de la gouvernance du nucléaire fusionnant l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou encore la réactivation du Conseil de politique nucléaire (CPN) en 2023…
Mais ce projet est aujourd’hui émaillé « de nombreux risques », qui pourraient lui être fatals, explique Pierre Moscovici. À commencer par « une absence de financement du programme ». La société anonyme détenue par l’État a d’abord chiffré à 51,7 milliards d’euros fin 2022 l’enveloppe nécessaire à la mise en œuvre des trois paires d’EPR 2, avant de réévaluer son montant à 67,4 milliards en décembre 2023.
Une facture « susceptible de dépasser les 100 milliards »
Pierre Moscovici évoque désormais une facture « susceptible de dépasser les 100 milliards d’euros », avec les intérêts intercalaires. La Cour somme le gouvernement d’arrêter et de sécuriser un mode de financement – encore inconnu – avant de se précipiter, pour éviter de s’exposer à davantage de dérives.
« L’accumulation des risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR2 », et « fait peser un risque sur l’actionnaire, c’est-à-dire l’État », explique le rapport.
Outre Flamanville 3, le document de 97 pages fait aussi état « des retards et surcoûts systématiques » pour les EPR d’Olkiluoto en Finlande et de Hinkley Point au Royaume-Uni. C’est pourquoi, les magistrats financiers appellent EDF et le gouvernement à s’assurer que « tout nouveau projet international dans le domaine du nucléaire soit générateur de gains chiffrés et ne retarde pas le calendrier du programme en France ». Préconisation à laquelle adhère le PDG d’EDF, Luc Rémont.
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