EDF est en passe de respecter son planning. Après avoir difficilement démarré le réacteur de la centrale de Flamanville, dans la Manche, début septembre, l’électricien avait promis un raccordement au réseau d’ici à la fin de l’automne. Ce sera chose faite, si toutefois aucun aléa technique ne vient, à nouveau, le perturber.
Le couplage est programmé ce vendredi 20 décembre, tandis qu’EDF l’attendait initialement avant la fin de l’été. Les premiers mégawatts s’apprêtent donc à être envoyés sur le réseau, l’EPR ayant dépassé 20 % de sa puissance, un quart de siècle après Civaux 2, le dernier réacteur d’ancienne génération construit.
« Le ciel se dégage enfin au-dessus de la centrale », se réjouit François Jeffroy, expert à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). « Il devrait fonctionner à 100 % à compter de l’été 2025, atteignant ainsi les 700 mégawatts », explique, de son côté, une source syndicale. Cela permettra d’alimenter environ deux millions de foyers, soit huit millions de personnes.
Une étape significative dans la mise en service du réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération, qui accuse douze années de retard et un surcoût tutoyant les 16 milliards d’euros. En effet, la centrale nucléaire de Flamanville 3, autorisée par décret du 11 avril 2007, aurait dû être mise en service en 2012.
Bien que le premier coup de pioche ait été effectivement porté en décembre de la même année, l’allumage, retardé à huit reprises, se solde par un retard de dix-sept années et une facture de 19,1 milliards d’euros, soit six fois plus que les 3,3 milliards budgétés initialement.
De multiples retards liés à des problèmes de construction et de sécurité sont venus émailler la mise en service. Au total, selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2020, 4 500 modifications ont été apportées depuis le début de la construction, entraînant régulièrement l’arrêt du chantier.
Selon ce même rapport, « cette dérive résulte, en outre, d’un défaut d’organisation du suivi du projet par EDF et d’un manque de vigilance des autorités de tutelle ». En mai, alors que les équipes entamaient le chargement des assemblages combustibles dans la cuve du réacteur de l’EPR, EDF reconnaissait auprès de l’Humanité des « entreprises de la filière insuffisamment préparées et associées au projet. Lors de la réalisation du premier béton nucléaire de Flamanville 3, seules 20 % des études de detailed design (conception détaillée – NDLR) étaient achevées ».
Nouveau chapitre
Le raccordement de Flamanville 3, le 57e réacteur en France, ouvre surtout un nouveau chapitre. Et non des moindres. Un vaste plan de relance du nucléaire a été annoncé par Emmanuel Macron en février 2022, lors de son discours à Belfort. Avec potentiellement quatorze nouveaux réacteurs : six EPR2 d’ici à 2050 et une option pour huit autres. « On parle là, rien que pour les EPR2, de 220 000 emplois préservés pour des années, de plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés, c’est colossal », avait-il défendu.
L’opérateur détenu par l’État a estimé à 70 milliards d’euros l’enveloppe nécessaire à ces six EPR2, dont deux seront construits à Gravelines, près de Dunkerque, dans le Nord, une paire au Bugey dans l’Ain et puis un autre à Penly en Seine-Maritime.
Trois ans plus tard, les concertations publiques sont en cours. L’IRSN (qui deviendra l’ASNR le 2 janvier, en fusionnant avec le gendarme du nucléaire, l’ASN) et EDF planchent activement sur la demande d’autorisation du modèle EPR2. Mais aucune commande n’a pour l’heure été signée et l’électricien trépigne. « Nous fonctionnons pour le moment sur nos propres fonds », s’inquiète un représentant syndical, en rappelant que le contexte budgétaire est extrêmement contraint.
Il souligne également que la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) n’est, elle aussi, toujours pas bouclée. Étant donné l’enjeu, EDF met aussi le paquet sur les SMR, ces petits réacteurs nucléaires modulaires, avec l’objectif d’en avoir une première série-test en fonction dès 2030. De son côté, et dans l’optique de la construction du premier EPR2 à Penly (Seine-Maritime), la FNME CGT a exigé « des moyens humains et des infrastructures pour un chantier socialement responsable (…), pour ne pas reconduire les errements constatés sur Flamanville, dénoncés par la seule CGT (Bouygues a été condamné pour travail dissimulé) ».
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