Le one man show n’a emballé personne. Dans un hémicycle à moitié vide, Gabriel Attal s’est livré à une « expérimentation » parlementaire : transformer la deuxième session hebdomadaire de questions au gouvernement, ce mercredi 3 avril, en questions au premier ministre. C’est vrai, qui a besoin de titulaires de dossiers techniques quand on a un chef de gouvernement expert en tout, capable de se coltiner à lui tout seul toute l’opposition ?
C’est donc sans ses collègues, à l’exception de la ministre préposée aux Relations avec le Parlement Marie Lebec, que Gabriel Attal a jonglé entre des sujets aussi divers que la fiscalité, l’inflation en Outre-Mer, les polluants éternels (PFAS), les déserts médicaux, l’assurance-chômage ou encore les groupes de niveaux à l’école. Le reste du gouvernement, dans le même temps, était au palais du Luxembourg pour répondre aux sénateurs.
Que faut-il en retenir ? Gabriel Attal a usé jusqu’à la corde le personnage du mini-Macron, singeant le président dans son autosatisfaction et sa tendance à renvoyer RN et insoumis dos-à-dos (ce mercredi, sur la question de la dépense publique). Interrogé par le communiste Fabien Roussel sur l’inflation, qui depuis deux ans mine les ménages français, l’hôte de Matignon répond : « il n’y a pas d’équivalent à la France, en Europe, en matière de protection contre l’inflation. » Sur l’assurance chômage, à la question de l’insoumis Adrien Quatennens, il réplique : « Le chômage est au plus bas depuis que le président a été élu, nous avons créé deux millions d’emplois ». Le gouvernement n’admet jamais l’échec, c’est l’ADN macroniste.
Le parlementarisme vu comme un « défi » à relever
L’exercice est vendu par la présidente de l’Assemblée nationale comme une « dynamisation » de la séance des questions au gouvernement. Élisabeth Borne s’y était refusée mais Gabriel Attal son successeur, pérore : « je n’ai pas l’habitude de me défiler devant une proposition. »
L’occasion est surtout trop belle pour un premier ministre qui a décidé de jouer la carte de l’hyperactivité et de l’omniprésence médiatique, avec la présidentielle 2027 sans doute dans un coin de sa tête.
L’« expérimentation », prévue pour cinq semaines, a été votée en bureau de l’Assemblée nationale par Renaissance (ses alliés Horizons et Modem étaient contre), Les Républicains et le Rassemblement national. Elle a soulevé les protestations des groupes de gauche, qui craignent une dégradation de la qualité des réponses et un simple exercice de posture. « Les députés ne sont pas là pour servir la propagande de M. Attal », tacle l’insoumis Antoine Léaument. « Il continue de marquer une volonté de domination de l’exécutif sur le législatif, d’affirmation d’autorité et de pouvoir personnel, abonde le député PCF Pierre Darrhéville. L’exercice de contrôle qui est au coeur des QAG en un pris un coup au passage : il ne s’agit plus de répondre véritablement aux questions. » « C’était un show Attal, mais un mauvais show », parachève la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain.
Il ne pouvait en être autrement. Gabriel Attal n’est pas en capacité de maîtriser tous les dossiers, c’est d’ailleurs pour cela qu’il y a des ministres dédiés. Les questions au gouvernement n’étant pas transmises en amont à l’exécutif (sauf si elles émanent de la majorité), celui-ci est obligé d’improviser et de s’abriter derrière les éléments de langage essorés de la Macronie.
En la matière, Gabriel Attal, qui n’a pas la langue de bois dans sa poche, aura été ce mercredi un excellent porte-parole du gouvernement, rôle qu’il a occupé entre 2020 et 2022. Pour ce qui est d’être un premier ministre responsable devant le Parlement, en revanche…