L’exercice de transparence de chiffrage des programmes atteint ses limites. Surtout lorsqu’il s’agit de changer de voie, ce qui ne peut être fait en restant dans le carcan de la rigueur budgétaire et des logiques comptables à court terme. On peut ainsi expliquer cette obsession à demander au Nouveau Front populaire des justifications chiffrées, car ce sont les seuls à proposer de sortir du néolibéralisme.
Les économistes de gauche se sont pourtant pliés à une forme de contre-budget, avec un équilibre des nouvelles recettes en faisant plus contribuer les riches, et des nouvelles dépenses, un peu à la manière d’un projet de loi de finances. Mais ce calcul ne peut concerner qu’un petit pan du programme. Car comment chiffrer la hausse des salaires ? On peut estimer le montant des aides à verser aux TPE-PME pour préserver l’emploi, mais comment évaluer de la même manière les effets bénéfiques ? Car plus de salaire, c’est aussi des rentrées de cotisations pour la protection sociale, le régime des retraites, la formation professionnelle, les caisses de l’assurance chômage…
Vers une politique de la demande
Le pouvoir d’achat est non seulement la première préoccupation des Français, mais aussi celle des entreprises. En effet, les enquêtes de l’Insee (sur le climat des affaires notamment) le montrent : les principaux obstacles que rencontrent les sociétés concernent leur carnet de commandes.
Elles bénéficieraient donc tout autant d’une politique économique tournée vers la demande. Là-dessus, le chiffrage du NFP doit donc se contenter d’expliquer : « l’augmentation de 14 % du SMIC à 1 600 euros net aura des effets positifs pour toute l’économie et va remplir les carnets de commandes des TPE et PME du pays. »
On peut d’ailleurs retourner contre les néolibéraux l’argument du chiffrage. S’il est facile de calculer les économies produites par les chocs austéritaires (comme les réformes de l’assurance chômage ou des retraites), ces coups de massue portés à l’économie produisent des baisses de la consommation et des pertes de confiance, qui ne sont jamais calculés. Pourtant chaque année ils constatent que leur politique a entraîné une croissance moins forte que prévu, et qu’il faut donc réaliser de nouvelles économies, qui produiront les mêmes effets.
Ne sont pas chiffrés non plus les effets de ces politiques à plus long terme, car l’aggravation de la précarité entraîne par exemple des hausses des recours des services d’urgences, ce qui représente aussi un coût pour la collectivité. Même chose pour les services publics, ou la transition écologique : il est aisé de calculer les économies réalisées d’une année sur l’autre par des coups de rabots, comment estimer les dégâts des catastrophes climatiques à venir ? De la précarité énergétique qui s’accroît ? Du manque de moyen de l’éducation nationale ?
Aucun grand conquis social ne s’est fait avec une logique comptable. Ni les congés payés et la réduction du temps de travail du Front populaire, ni la création du régime général de la sécurité sociale, à la libération.
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
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