La carrière politique de Donald Trump a été marquée par un style rhétorique unique et souvent controversé. Depuis 2015, sa rhétorique a considérablement évolué, attirant l’attention pour son ton direct, souvent violent.
L’analyse de ses discours offre un aperçu révélateur de la manière dont son langage a façonné à la fois sa personnalité politique et le paysage politique américain plus large.
Nous sommes des politologues qui avons analysé la campagne et les discours présidentiels de Trump de 2015 à 2024. Nous avons constaté que l’une des tendances les plus frappantes de la rhétorique de Trump est la forte augmentation de son utilisation d’un vocabulaire violent. La part des mots associés à la violence est passée de près de 0,6 % en 2016 à 1,6 % en 2024 dans les discours de Trump. À titre de comparaison, la proportion de propos violents dans 40 discours radiophoniques hebdomadaires choisis au hasard par Barack Obama était de 0,79 %.
Depuis la première campagne de Trump en 2015 jusqu’aux neuf années suivantes, ses discours incluent de plus en plus de mots et d’expressions liés à la criminalité et aux conflits militaires. En mars 2024, par exemple, Trump a déclaré que « ce serait un bain de sang pour le pays » s’il n’était pas réélu en novembre.
En 2024, le recours à un langage violent par Trump avait dépassé celui de presque tous les autres politiciens démocrates que nous avons considérés, se rapprochant de celui de personnalités autoritaires telles que Kim Jong Un et Fidel Castro.
Cette montée des discours violents n’est pas liée à des événements extérieurs significatifs tels que les guerres. Trump a concentré son message sur les crimes violents, en particulier dans les villes américaines, alors même que les taux de criminalité étaient en baisse. Ses références répétées aux « meurtriers, violeurs et voyous » dressent le tableau d’une nation assiégée, augmentant l’anxiété parmi ses partisans.
Dans le même temps, il se présente comme un leader fort, capable de faire face à ces menaces perçues.
Le langage économique et du service public décline
Si la rhétorique de Trump est devenue plus violente, elle s’est en même temps éloignée du discours politique traditionnel sur les performances économiques et les services publics. Au début de sa carrière politique, Trump a fréquemment évoqué les questions économiques, exploitant les préoccupations concernant l’emploi, le commerce et la prospérité. Au fil du temps, cependant, son intérêt pour l’économie a considérablement diminué.
Cette tendance n’est pas propre à Trump. Les candidats démocrates et républicains utilisent moins de vocabulaire économique dans leurs discours depuis au moins 2012.
Le retrait de Trump des discussions économiques est toutefois particulièrement marqué. Il s’est toujours moins concentré que les autres candidats à la présidentielle sur la fourniture de services publics tels que les soins de santé, le logement et les transports. Ses discours contenaient moins de mots comme « médecine », « éducation », « garde d’enfants », etc.
Au lieu de cela, sa rhétorique s’est de plus en plus centrée sur la politique identitaire et les questions culturelles, reflétant des changements plus larges dans le discours politique américain.
Abandonner le langage inclusif
Le populisme se caractérise souvent par une focalisation sur « le peuple » plutôt que sur « les élites », les politiciens se présentant comme les champions du citoyen ordinaire contre les initiés corrompus. Au début de sa carrière politique, Trump a utilisé assez souvent un langage aussi inclusif en invoquant « le peuple ».
Depuis lors, cependant, sa rhétorique a évolué vers ce que nous appelons un « populisme d’exclusion », avec de fréquentes attaques contre les élites politiques, les immigrés et les personnalités médiatiques. Le débat du 10 septembre 2024 entre Trump et Kamala Harris a été riche en exemples, dont le plus célèbre concernait des immigrants mangeant des chiens.
Ce passage d’une rhétorique inclusive à une rhétorique d’exclusion reflète une stratégie plus large consistant à définir la politique comme une bataille entre « nous » et « eux », Trump se présentant comme le défenseur des Américains ordinaires contre les menaces extérieures.
Le style rhétorique de Trump a subi des changements significatifs depuis le lancement de sa première campagne présidentielle. Au cours de sa première campagne en 2015-2016, son langage est devenu plus inclusif, avec une utilisation accrue du « nous » et du « peuple » et moins de références aux élites et aux groupes sociaux qu’il considère négativement (« eux »).
Une fois au pouvoir, cependant, ses discours ont montré un style plus combatif. Son utilisation d’un langage violent s’est multipliée et les références à « eux » sont devenues plus fréquentes.
Cette évolution suggère que la rhétorique de Trump est adaptable, changeant en réponse aux contextes politiques et au public qu’il vise à impliquer. Son utilisation croissante d’un langage incendiaire et de gros mots après son entrée en fonction contraste avec le ton plus mesuré qu’il a adopté lors de sa campagne de 2016.
Attaques agressives contre les élites
La rhétorique de Trump peut être mieux comprise en la comparant à la rhétorique d’autres candidats à la présidentielle américaine depuis 1952, ainsi qu’à celle des dirigeants mondiaux, tant démocrates qu’autoritaires.
Les seuls autres candidats récents à la présidentielle avec des niveaux de violence comparables à ceux de Trump en 2024 étaient le républicain George W. Bush et le démocrate John Kerry en 2004. Mais alors que Bush et Kerry discutaient de la guerre en Irak en cours, qui faisait alors des centaines de victimes aux États-Unis, Cette année-là, les affirmations violentes de Trump n’étaient pas liées à des événements ou à des statistiques réels.
En termes de populisme, Trump se démarque des autres dirigeants par ses attaques agressives contre les élites. Depuis le début de sa carrière politique en 2016, Trump a évoqué son intention de « drainer le marais », faisant référence à la corruption des élites politiques. Alors que les candidats populistes critiquent souvent les initiés politiques, la fréquence des dénonciations de Trump dépasse celle de la plupart des récents candidats à la présidentielle américaine.
Les discours de Trump en 2024, par exemple, font bien plus référence aux élites corrompues que ceux de ses prédécesseurs, révélant un attachement plus profond à la rhétorique populiste d’exclusion.
Même si le discours des politiciens ne prédit pas toujours leurs actions, l’attachement croissant de Trump aux propos violents et aux thèmes populistes peut donner un aperçu de son approche future, que ce soit en tant que président ou en cas de défaite. En tant que politologues, nous pensons que la montée de ce type de discours mérite une surveillance étroite en raison de ses implications potentielles sur le paysage politique plus large.