Six mois après les premières révélations sur le scandale des eaux en bouteille de Nestlé Waters, de « sérieuses lacunes » dans le cadre du contrôle des eaux en bouteille en France ont été relevées, mercredi 24 juillet, par la Commission européenne dans un audit. Des insuffisances qui ne permettent pas de garantir l’absence de produits frauduleux dans les rayons.
« Dans son ensemble, le système de contrôle officiel ne vérifie pas efficacement que les eaux minérales naturelles mises sur le marché satisfont aux exigences légales en vigueur », estime la Commission. Ce système « n’est pas conçu pour détecter ou atténuer les fraudes dans le secteur des eaux minérales naturelles et des eaux de source et n’est pas non plus correctement mis en œuvre, ce qui rend possible la présence sur le marché de produits non conformes et potentiellement frauduleux », relève l’instance européenne dans ses conclusions.
Son audit pointe notamment des inspections insuffisamment ciblées sur les sites à risques et pas assez fréquentes ainsi qu’une « collaboration inadéquate au sein des autorités compétentes et entre elles ». Il met aussi en avant « l’absence de mesures de suivi immédiat » permettant de « garantir que les opérateurs remédient aux non-conformités telles que l’utilisation de traitements interdits » ou d’« éviter la mise sur le marché d’eaux minérales naturelles qui ne sont pas qualifiées comme telles ».
Des pratiques de désinfection illégales
Des révélations sans appel qui font suite à une mission organisée par Bruxelles pendant une dizaine de jours en mars 2024. La procédure a été engagée après le scandale touchant les eaux en bouteille qui a fait grand bruit, fin janvier. Le groupe suisse Nestlé, numéro un mondial des eaux minérales, avait reconnu avoir délibérément eu recours, pendant des années, à des traitements interdits.
Il s’agissait notamment de l’utilisation d’ultraviolets et de filtres à charbon sur certaines de ses eaux (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex). C’est une pratique de désinfection, habituelle pour les eaux du robinet, mais interdite pour les eaux minérales, qui doivent être naturellement de haute qualité microbiologique. La justification de Nestlé Waters ? Préserver la « sécurité alimentaire ».
Le lendemain, Le Monde et franceinfo dévoilaient que cette annonce par le groupe faisait partie d’une campagne de communication visant à désamorcer le scandale. Plus grave encore, le géant de l’agroalimentaire a agi pendant de nombreuses années avec la bénédiction du gouvernement, notamment via la ministre de l’Industrie de l’époque, Agnès Pannier-Runacher. L’État savait, et a même autorisé l’utilisation de traitements interdits. Le parquet d’Épinal a ouvert une enquête, à la fin du mois de janvier, pour tromperie à l’encontre de Nestlé Waters.
Des eaux contaminées
Quatre mois plus tard, les mêmes médias, Le Monde et franceinfo, révélaient, grâce à une note de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qu’en plus d’être traitées illégalement, les eaux en bouteille étaient contaminées. L’agence faisait état de contamination bactérienne, de présence de pesticides et de polluants éternels.
Le groupe Alma, qui produit une trentaine de marques d’eaux en bouteilles en France dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy Célestins, fait aussi l’objet d’une procédure judiciaire pour des raisons similaires. Pour l’association de consommateurs Foodwatch, qui a porté plainte contre Nestlé, Sources Alma mais aussi le gouvernement qu’elle accuse de « complaisance », cet audit est loin d’être une surprise.
Les conclusions confirment ce que l’association dit dénoncer « à chaque scandale ». Elle déplore ainsi, dans un communiqué, l’« opacité pour les consommateurs et consommatrices », mais aussi « le manque de contrôles des autorités et impunité pour les multinationales ».
D’autant que deux jours avant cet audit, le média en ligne Mediapart révélait qu’une nouvelle enquête contre Nestlé pour exploitation de forages de nappes phréatiques sans autorisation avait été ouverte par le parquet d’Épinal.
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