« Et oui ! Ils nous ont tous déplacés à l’extérieur de la ville. » C’est dans un large sourire qu’Ahmed résume ce que des associations dénoncent depuis plusieurs mois comme un « nettoyage social » de Paris à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques. Ils sont, ce mardi 30 août à 10 heures du matin, une petite centaine à attendre l’ouverture de l’antenne des Restos du cœur située porte de la Chapelle. Jeunes ou moins jeunes, de toute nationalité, dans différentes situations administratives, ils ont tous en commun d’avoir eu à quitter leur habitat de fortune dans le centre de Paris.
Beaucoup vivent encore dans la rue, mais ceux qui ont été déplacés de force dans les quinze premiers jours de juillet bénéficient, eux, d’un hébergement temporaire, grâce aux capacités réservées de « sites tampons » mis en place par la préfecture. En clair, une augmentation exceptionnelle d’environ 1 000 places d’hébergement d’urgence pour permettre la mise à l’abri des personnes expulsées des lieux de vie informels situés, avant l’ouverture de la compétition, sur les « sites d’exposition olympique ».
Preuve qu’avec de la volonté, les autorités peuvent sortir rapidement des personnes de la rue
« Ils nous ont fait monter dans un bus, il y a deux semaines, et nous ont d’abord amenés à Melun (en Seine-et-Marne), se souvient Subhanullah, un jovial jeune Afghan, réfugié statutaire depuis 2022. Ils m’ont ensuite placé dans un centre d’accueil et d’examen des situations administratives dans le 18e arrondissement de Paris. On vit à 12 dans une grande chambre avec des lits superposés et ils nous donnent trois repas par jour. Depuis deux ans, je dormais sous une tente. Aujourd’hui, ça va mieux. Mais on nous a dit que c’était uniquement pour la période des Jeux. »
Ce matin, porte de la Villette, ils sont plusieurs à faire le même type de récit. Dans un de ces derniers communiqués, le collectif le Revers de la médaille note qu’entre avril 2023 et mai 2024, plus de 12 500 personnes ont été expulsées au cours de 138 opérations, avec très peu de mises à l’abri en Île-de-France, mais que, par contre, sur les 1 315 personnes expulsées à partir de début juillet, un millier seraient en effet hébergées dans un de ces fameux « sites tampons ».
L’un d’entre eux se trouve d’ailleurs juste ici, parmi les hangars de la société GL-Events. « On y avait déjà placé des Ukrainiens », explique Hassan en pointant le lieu du doigt depuis la file d’attente grossissante devant les Restos du cœur. À l’instar des dispositifs créés dans l’urgence pour les réfugiés de l’attaque russe contre l’Ukraine, les opérations de mise à l’abri déclenchées juste avant la cérémonie d’ouverture des Jeux prouvent une fois encore que, lorsque les autorités le veulent, elles sont en capacité de rapidement sortir de la rue des personnes qui y vivent de façon indigne. On peut toutefois regretter que ce soit fait plus en réponse à une sorte d’urgence cosmétique qu’à l’urgence humanitaire à laquelle les habitants des campements parisiens font face depuis des années.
Un dispositif exceptionnel de courte durée…
« Moi, j’ai été placé jeudi dernier, dans un hôtel à Noisy-le-Sec, indique quant à lui Younoussa, un jeune Guinéen de 16 ans, en compagnie d’un autre mineur non accompagné n’ayant pour sa part pas bénéficié de relogement. Ils m’ont dit que les services de l’aide sociale à l’enfance évalueraient mon cas une fois que les Jeux olympiques seront terminés. » En réalité, tous ici ont bien conscience que ce dispositif exceptionnel n’est que de courte durée et ne sert qu’à décaler dans le temps les problématiques auxquelles ils restent confrontés.
Pour le collectif le Revers de la médaille, tout cela montre bien, contrairement aux déclarations de la préfecture, « qu’on ne se situe nullement dans des « opérations habituelles de mise à l’abri qui auraient eu lieu, JO ou pas JO », dans un but humanitaire « pour ne pas laisser les personnes à la rue », mais bien dans une vaste politique de nettoyage social, pensée et orchestrée pour cacher la misère aux yeux du monde ».
Pour dénoncer cette hypocrisie, le collectif a organisé, ce dimanche 4 août, une « contre-journée olympique » intitulée « Hors-jeux », avec notamment un « collage géant » de portraits de bénévoles, de militants et de personnes déplacées de force. Une façon de leur rendre un minimum de visibilité dans le centre de Paris où, pour la plupart, elles retourneront dormir sur le pavé une fois que les caméras de télévision auront quitté les lieux.
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