Habitués pour la plupart à œuvrer dans le secret de la base de l’Ile-longue, en face de Brest, les salariés de la maintenance des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins sont invités à manifester au grand jour, ce mardi matin. À l’appel de la CGT, l’Unsa et la CFE-CGC, ils seront plusieurs centaines parmi les 3 200 salariés de Naval Group que compte la capitale finistérienne à sortir de l’ombre dès 7 h 30 pour revendiquer de meilleurs salaires. Leurs collègues du site de Lorient les auront devancés d’un quart d’heure. Suivront dans la matinée ceux de Cherbourg, Toulon, Angoulême-Ruelle et Nantes-Indret.
Leur employeur, leader européen du secteur naval de défense, a le vent en poupe. Aux 251 millions d’euros de résultat net réalisé en 2023 s’ajoutent 8 millions de bénéfices non prévus, obtenus grâce à des placements financiers judicieux. C’est certes moins que les 339,3 millions d’euros engrangés en 2022.
Mais ce résultat avait été artificiellement gonflé par les 555 millions d’euros versés par l’Australie en compensation de la super commande de sous-marins chipée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Mis à part cet élément exceptionnel, les bénéfices de 2023 surclassent de 38 % ceux de 2022 et explosent ceux de 2021 (196,9 millions). Les salariés attendent donc un juste partage de la valeur créée.
« Pour nous, c’est +6 % pour tout le monde »
« On s’était battus l’an dernier, avec trois jours de grève, pour obtenir de meilleures augmentations. Cette année, nous avons à nouveau dû nous mobiliser. La direction a pris pour base non plus le niveau d’inflation de l’année écoulée, mais celle, en baisse, de 2024, pour diminuer d’autant son enveloppe d’augmentation collective : + 4,9 %. Pour nous, c’est + 6 % pour tout le monde », dénonce Jean-François Quiec, de la CGT de l’arsenal de Brest.
Un premier mouvement de grève, le 28 février, a poussé les représentants de Naval Group à réintégrer dans leurs propositions la hausse des prix passée. En contrepartie, la revalorisation générale serait diminuée pour gonfler les enveloppes consacrées aux augmentations individuelles et à une prime de partage de la valeur. Mais la somme globale pour ces négociations salariales ne bouge pas.
De quoi attiser la colère des élus du personnel. « Nous ne voulons pas de prime, mais d’une augmentation générale des salaires socialisés, c’est-à-dire qui finance aussi nos retraites », affirme Erwan Coatanéa, de la CGT de l’arsenal, qui souligne « la forte pression sur les résultats et les méthodes de lean management qui dégradent les conditions de travail et provoquent des départs et des arrêts de travail pour maladie ».
L’intersyndicale (la CFDT ne se joint pas au mouvement) objecte aussi l’iniquité de la position patronale. « La direction générale propose 50 % pour les actionnaires (l’État, à 62 % ; Thales, à 35 % – NDLR), 35 % pour les investissements et 15 % pour les salariés. On est loin de la répartition que prônait un ancien président de la République : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les investissements et un tiers pour les salariés », réprouve le communiqué commun. D’autant que, dans les 15 % de bénéfices fléchés vers les salariés, les hauts cadres ont déjà puisé 7 millions d’euros en augmentation et primes sur le résultat.