C’est un conflit qui symbolise la difficulté qu’a la France à composer avec son histoire coloniale. Depuis plus de dix ans, l’association Mémoire et Partages – dont l’action se concentre sur la dénonciation de l’héritage esclavagiste de Bordeaux, comme de la côte Atlantique, qui fut jonchée de ports s’étant développés économiquement grâce à la traite d’esclaves – s’est engagée dans un combat judiciaire avec la municipalité de Biarritz. En cause : le nom donné au quartier de la gare, « la Négresse ».
Le collectif antiraciste pourrait enfin obtenir gain de cause. La rapporteuse de la cour d’appel du tribunal administratif de Bordeaux a reconnu, jeudi 16 janvier, le caractère raciste et sexiste du terme « Négresse ». Un soulagement pour le fondateur de Mémoire et Partages, et conseiller régional écologiste, Karfa Diallo, qui estime que la position de la rapporteuse « montre que le représentant de l’autorité publique a conscience que « la Négresse » est péjoratif et porte atteinte à la dignité de la personne ».
« La dignité n’a pas de prix »
Ce revirement vient retoquer la précédente décision, prononcée par le tribunal administratif de la ville de Pau. Dans leur délibération, datant du 21 décembre 2023, les juges palois estimaient que « le conseil municipal de Biarritz a donné ce nom, en 1861, dans une perspective mémorielle, en hommage à la personne considérée et à l’histoire locale qui l’accompagne ».
Une position incompréhensible pour les membres de Mémoire et Partages, qui n’ont cessé de contextualiser – politiquement – l’origine d’un tel nom : l’esclavagisme, l’histoire coloniale de la France, le sexisme et le racisme inhérents à l’exotisation des femmes noires. Le nom du quartier est un rappel à la patronne d’une auberge locale, de couleur noire, qui a vécu à Biarritz dans les 1810. Son surnom – « la Négresse », donc – a par la suite été donné au quartier. « La dignité n’a pas de prix, s’est insurgé Karfa Diallo. Depuis la fin du XIXe siècle, une femme noire est jetée en pâture, ce n’est pas admissible. »
L’association a ainsi manifesté, dès 2013, son mécontentement à la ville de Biarritz, qui a toujours rejeté en bloc sa demande. Pour justifier son refus, la municipalité s’est rangée derrière les habitants du quartier, récalcitrants à l’idée que l’appellation de « Négresse » soit modifiée. Interrogés par la rédaction locale d’Ici (ex-France Bleu), ces derniers – pour l’essentiel âgés – continuent d’être attachés au nom de leur quartier, quitte à user d’une rhétorique réactionnaire : « Je suis né à « la Négresse » ! », « ce sont des gens qui viennent de l’extérieur, les Bordelais, qui s’offusquent », « les jeunes trouvent le mot « négresse » agressif, ils préfèrent le bannir de leur vocabulaire. »
D’autres habitants se sont néanmoins déclarés favorables à un changement. « Pourquoi Négresse ? Parce qu’elle est noire et que c’est une femme ? Et rien d’autre ? N’avait-elle pas de nom ? », a fulminé une Biarrote interrogée par le bureau local d’Ici. « C’est un terme qui désigne étymologiquement les personnes de couleur noire, a essayé de tempérer Pierre Cambot, l’avocat de la ville de Biarritz. Il n’aura son sens insultant, qui n’est pas discuté, que plus tard. »
En 2020, la maire LR de Biarritz, Maider Arostéguy, a ainsi estimé que seuls les habitants du quartier pouvaient être à l’origine de l’ouverture d’une réflexion sur le sujet. Réflexion qui n’est pas prévue dans un futur proche. « Je trouve cela déplacé qu’un Bordelais vienne nous donner des leçons d’histoire », avait tenté de justifier l’élue, reprenant à son compte les attaques envers Mémoire et Partages. « Le terme de « Négresse » porte en lui la marque d’un crime contre l’humanité », rétorque William Bourdon, avocat du collectif. La décision de la cour d’appel administrative est attendue pour la fin février 2025.
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