Ce 16 janvier 2025, la motion de censure contre le gouvernement Bayrou a été largement rejetée. C’est essentiellement attribué au fait que les socialistes se sont détachés du Nouveau front populaire afin de laisser une chance au Premier ministre, non sans lui rappeler qu’une telle motion sera possible à l’avenir.
Le Parti socialiste a acté jeudi le délitement du Nouveau Front populaire (NFP) en refusant de s’associer à la motion de censure des députés de La France insoumise (LFI) contre François Bayrou, défendant sa volonté d’éviter “la politique du pire” tout en maintenant une vigilance critique sur les choix gouvernementaux.
Une grande défiance
L’enjeu du débat, premier acte de défiance à l’encontre du Premier ministre centriste nommé le 13 décembre, n’était pas tant l’issue du vote que la recomposition à l’oeuvre dans une Assemblée nationale fragmentée qui réduit considérablement les marges de manoeuvre du nouveau gouvernement.
François Bayrou le sait, plaidant lors du débat pour “un chemin de dialogue” et “de compromis” face à “l’affrontement intérieur perpétuel”, visant les Insoumis, dont la motion de censure était soutenue par les élus écologistes et communistes. Arithmétiquement promise à l’échec en raison de la décision du Rassemblement national (124 députés) de ne pas la voter, la motion de censure a logiquement échoué.
Seuls 131 élus ont voté pour, dont huit députés socialistes qui se sont écartés de la ligne majoritaire au sein du PS, selon les détails du vote rendus publics par l’Assemblée nationale.
Le Parti socialiste, qui a arraché des concessions au chef du gouvernement – sur la réforme des retraites, notamment – après des tractations en dents de scie, a défendu face aux attaques des Insoumis sa volonté d'”avancer” au service des Français afin d’éviter l’immobilisme et une défiance généralisée des électeurs qui profiterait à l’extrême droite.
“Nous n’avons pas la négociation honteuse”, a lancé le premier secrétaire Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, à la tribune de l’Assemblée, tout en mettant en garde le gouvernement sur ses futurs choix politiques. Le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, n’a pas attendu la fin des débats pour fustiger sur le réseau social X le cavalier seul du PS –
“Le PS fracture le NFP. Mais il capitule seul. Les trois autres groupes votent la censure. Nous continuons le combat”. “Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons […]mais nous avons aussi signifié notre ouverture au compromis”, a expliqué Olivier Faure à l’Assemblée, à la suite d’une réunion du bureau national du parti jeudi matin.
Plus de pacte de non-censure
“Il n’est donc plus question de pacte de non-censure, un vote de censure est donc possible à tout moment”, a-t-il prévenu, après que le PS eut rendu publique, en manière de pression, une lettre du Premier ministre détaillant une série de concessions.
“Nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire parce qu’elle peut conduire à la pire des politiques c’est-à-dire l’arrivée de l’extrême droite, c’est la raison pour laquelle nous ne vous censurerons pas”, a dit Olivier Faure à l’adresse du Premier ministre. Sur la réforme des retraites, remise en chantier, “si nous avons le sentiment que le débat est verrouillé […]nous déposerons une motion de censure, nous n’accepterons pas le statu quo”, a-t-il mis en garde.
“Le choix qui est devant nous […] est entre l’affrontement intérieur perpétuel et la tentative de chercher un chemin de dialogue, de réflexion, de compromis, de négociation pour que les choses avancent”, a souligné François Bayrou en réponse au député LFI Manuel Bompard qui lui a reproché de “braquer sur la tempe des oppositions le revolver de la paralysie du pays”. Pour Eric Coquerel (LFI), l’attitude du PS entérine de facto “un renversement d’alliances”. “Ceux qui ne la votent pas (la motion de censure-ndlr) sont de facto dans une majorité sans participation”, a-t-il estimé dans les couloirs de l’Assemblée, déplorant parmi “les pires moments du Parti socialiste”.
Dans sa lettre datée du 16 janvier, François Bayrou confirme qu’en l’absence d’un “accord global” à l’issue du conclave des partenaires sociaux sur la refonte de la réforme des retraites, un projet de loi reprenant “les avancées issues des travaux” sera soumis au Parlement.
D’autres doléances socialistes sont prises en compte : l’annulation des mesures de déremboursement des consultations médicales et des médicaments prévues par le précédent gouvernement, le maintien d’une contribution temporaire “différentielle” sur les hauts revenus, ainsi qu’une hausse du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,1 point.
Le chef du gouvernement confirme également l’abandon de la suppression de 4 000 postes d’enseignants et la renonciation au projet d’allongement du délai de carence d’un à trois jours pour les fonctionnaires en cas d’arrêt maladie. “Je souhaite que ces propositions […] inaugurent une méthode de dialogue entre sensibilités différentes nécessaire à la stabilité de notre pays”, conclut François Bayrou.