Par Maryse Dumas, syndicaliste
Il arrive qu’une bonne synthèse de ce qui a été écrit à divers endroits apporte plus d’éléments et de sujets de réflexion que l’information la plus fraîche. C’est le cas avec le numéro du 1er janvier de la revue médicale « Prescrire ». L’article intitulé « Mourir de son travail, une réalité difficilement palpable mais pas une fatalité » démontre la sous-estimation globale de la mortalité ayant un lien avec le travail. L’assurance-maladie décompte actuellement 738 accidents mortels du travail par an. Mais, en se référant à d’autres sources officielles, l’article met en évidence la sous-estimation de cette triste réalité.
La première cause en est une sous-déclaration systématique des accidents du travail, elle-même en partie liée à la volonté des employeurs de se défausser des indemnisations qui leur incombent. Les pressions sont courantes pour que les salarié.es ne déclarent pas en accident du travail ce qui leur est arrivé. L’exemple est donné d’une entorse survenant sur le lieu de travail et pour laquelle l’employeur demandera au salarié concerné de faire appel plutôt au système de soins classiques. Mêmes remboursements des soins pour le salarié, moins de papiers à remplir mais exonérations conséquentes pour l’employeur. Il n’est pas rare non plus que des travailleurs « vulnérables » dissimulent d’eux-mêmes leur accident afin de ne pas risquer de perdre leur emploi. La sous-déclaration atteint un tel niveau qu’il est demandé à la branche AT/MP (accidents du travail, maladies professionnelles) de verser une compensation au régime général, fixée en 2021, au niveau de 750 000 accidents du travail non déclarés, pour 880 000 qui l’ont été. On voit l’ampleur du phénomène.
Si on peut estimer que les accidents mortels du travail sont plus difficilement escamotables, ce n’est pas le cas lorsque le décès n’est pas immédiat, sur le lieu de travail lui-même, mais se produit plus tard. De plus, le nombre de travailleurs ne disposant pas d’une couverture spécifique en matière d’accidents du travail s’élargit : travailleurs clandestins et/ou non déclarés bien sûr, mais aussi travailleurs « indépendants » : commerçants, artisans, professions libérales et, bien sûr, autoentrepreneurs, exploitants agricoles. L’article fait état d’une estimation des accidents mortels du travail qui pourrait dépasser les 900 par an. Il y a aussi les suicides. Santé publique France estime à 10 % du total des suicides ceux qui ont « un lien potentiel avec le travail », donc à peu près 1 000 par an pour seulement 10 à 40 reconnus comme tels par l’assurance-maladie.
Enfin, les maladies professionnelles. Elles sont loin d’être toutes reconnues par l’assurance-maladie, y compris celles conduisant à la mort. Les personnes concernées ont aussi de grandes difficultés à faire admettre que la pathologie dont elles souffrent relève de la maladie professionnelle. L’article donne des exemples très précis sur les cancers ou les maladies coronariennes d’origine professionnelle mais toujours pas reconnus comme tels. Au total, si un regain de prise de conscience se manifeste, il intervient au moment « où les instances de régulation sont fragilisées ». Pour sortir de la sous-estimation et du déni, l’article incite à l’élaboration et la publication d’un véritable bilan des pathologies liées au travail. Les syndicalistes ne peuvent que soutenir cette demande. Elle est la condition d’une amélioration de la prévention et de la prise en charge.
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