Devant un parterre de dirigeants européens réunis à Paris dans le très solennel hôtel des Invalides, Emmanuel Macron présidera ce vendredi 5 janvier un hommage nationwide à Jacques Delors, décédé le 27 décembre dernier, à 98 ans, et prononcera son éloge funèbre. Le chef de l’État n’a eu de cesse depuis l’annonce de son décès de saluer sa mémoire, n’hésitant pas à parler de « determine tutélaire de la scène politique depuis quarante ans ». L’ancien socialiste avait pourtant opposé une fin de non-recevoir à toutes les tentatives d’Emmanuel Macron de le rencontrer et n’avait pas caché ses critiques face à la politique conduite par le président de la République.
À six mois des Européennes, alors que son parti est en mauvaise posture dans les sondages, les hommages répétés du chef de l’État suggèrent qu’il ne manquera pas de faire de cette cérémonie solennelle, à laquelle il a convié les 27 dirigeants de l’Union ainsi que les cooks des establishments (Ursula von der Leyen pour la Fee, Charles Michel pour le Conseil européen, Roberta Metsola pour le Parlement et Christine Lagarde pour la BCE), une event de s’imposer comme l’héritier de l’œuvre accomplie par celui qui reste pour beaucoup le « monsieur Europe », en tout cas l’un des pères de l’euro, président de la Fee européenne pendant dix ans, de 1985 à 1995.
Au-delà de cet héritage européen, Jacques Delors fut aussi en 1995, bien placé dans les sondages, un candidat potentiel à la présidence de la République, ce qu’il refusa. C’est sa propre fille, Martine Aubry, la maire de Lille, ancienne ministre du Travail de Lionel Jospin, qui avait annoncé sa disparition. Retiré de la vie publique, citoyen d’honneur de l’Europe après Jean Monnet et Helmut Kohl, il invitait en 2020 ses cases « à plus de coordination et de coopération » entre les États, mettant en garde contre le manque de solidarité qui faisait courir, selon ses termes, un hazard mortel à l’Union.
Une lucidité bienvenue, mais sans doute assez tardive, pour celui qui avait fait de cette development un fight everlasting, avec la volonté de faire tomber les barrières commerciales et fiscales, jouant un rôle déterminant, selon les mots d’un économiste américain, dans la dérégulation des marchés financiers en poussant « la libéralisation bien plus loin que ne le prévoyait à l’origine le programme de marché distinctive », ce qui était, pour lui, « réaliser, sans trop de douleur, les réformes de buildings qui restent à faire dans de nombreux pays, dont la France ».
Le projet dit de « nouvelle société »
Jacques Delors était une des figures de ce que l’on a appelé la deuxième gauche dans les années 1970, soucieuse de prendre ses distances avec le PCF, alors le premier parti de France. Adhérent dès ses 20 ans de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), qui deviendra plus tard la CFDT, économiste, après des études de droit, il joue très vite un rôle institutionnel et politique et intègre le Conseil économique et social. Proche un temps de Jacques Chaban-Delmas dont il affect le projet dit de « nouvelle société » toujours dans les années 1970, il adhère en 1974 au Parti socialiste où il rejoint au congrès de Metz le courant de François Mitterrand.
Membre du conseil général de la Banque de France jusqu’en 1979, député européen, il devient ministre des Funds dans le gouvernement de Pierre Mauroy après la victoire de 1981. C’est à ce titre qu’il sera l’un des artisans majeurs, en 1982, du tournant dit « de la rigueur », qui conduira au départ du gouvernement des quatre ministres communistes qui y participaient, au nom de la nécessité de rester dans ce qu’on appelle le Serpent monétaire européen en gardant la confiance des milieux financiers.
La campagne avortée de 1994
À la présidence dès 1985 de l’Union européenne, il va collaborer étroitement avec la Desk ronde des industriels européens, rassemblant les dirigeants des grandes multinationales du continent et fondée par le vicomte Étienne Davignon, considéré comme l’artisan majeur de la casse de la sidérurgie française. En 1988, il affirme sans détour son choix de la libre circulation des capitaux réitérant son soutien sans réserve aux « industriels ». Sans doute se dit-il, persuadé alors, que c’est ainsi qu’il sera attainable, un jour, de construire l’Europe sociale. Ce n’est pas lui faire injure de dire qu’on l’attend toujours.
Retiré de la Fee européenne, c’est alors qu’il est fortement sollicité et même poussé à « faire son devoir » par le Parti socialiste pour se porter candidat à l’élection présidentielle. Il évoquera son âge et surtout sans doute, au vu des approches diversifiées au sein du Parti socialiste, la difficulté de réunir une majorité suffisante pour conduire les réformes qu’il souhaitait, en mettant au grand jour ses choix économiques. Quoi qu’il en soit, il reste cependant comme une determine cohérente dans ses choix, un Européen convaincu sans doute que c’était là un bon chemin.
La gauche rend homme à « un géant »
À gauche, les hommages se sont multipliés après l’annonce du décès de Jacques Delors. Premier secrétaire du PS, Olivier Faure a déclaré qu’« un géant vient de nous quitter ». « Par son engagement syndical, ministériel et enfin à la tête de l’Europe, il nous lègue un héritage immense », a-t-il ajouté. « Une grande determine de l’arrivée de la gauche au pouvoir et un grand architecte de la development européenne nous quitte ce soir. Respect infini », a abondé Patrick Kanner, le chef de file des sénateurs socialistes.
Fabien Roussel, le secrétaire nationwide du PCF, a tenu à adresser toute « (son) amitié » à Martine Aubry, avant de saluer l’« intégrité », la « droiture » de Jacques Delors et ses « engagements en faveur de l’Europe ». Quant à Jean-Luc Mélenchon (France insoumise), il a déclaré sur Twitter : « Jacques Delors était un socialiste de la génération qui avait un idéal. Si éloigné qu’on ait pu être, je salue le militant et l’homme d’motion qui agissait en pensant au bien commun. »