C’est l’histoire d’un homme qui s’est cassé les dents sur ces ambitions et a méthodiquement éreinté son image. Lorsqu’il est nommé, en 1997, à la tête d’un super-ministère de l’Education nationale élargi à la Recherche et à la Technologie, Claude Allègre pense tenir là le rôle de sa vie. Trois ans plus tard, le premier ministre Lionel Jospin, un ami de plusieurs décennies, lui demandera de démissionner. Celui qui s’était mis instantanément mis les enseignants à dos en promettant de « dégraisser le mammouth » de l’Education nationale s’est éteint, ce 4 janvier, à l’âge de 87 ans.
La carrière de Claude Allègre est d’abord celle d’un scientifique à la renommée internationale. Né le 31 mars 1937 de parents tous les deux professeurs, à Paris, il s’oriente après le baccalauréat dans des études de géologie, une discipline qu’il contribue à faire rayonner à partir des années 1970, époque où il prend la direction de l’Institut de physique du globe de Paris, dont le crédit scientifique sera salué dans le monde entier.
L’homme de Jospin
Parallèlement, Claude Allègre adhère au Parti socialiste à partir de 1973. Il est surtout l’homme de l’ombre de Lionel Jospin qui, en 1981 lorsqu’il devient le premier secrétaire du parti à la rose, le mandate pour organiser un groupe d’experts chargés d’abreuver le PS en idées neuves. En 1988, le second mandat de François Mitterrand s’ouvre et Lionel Jospin est propulsé à l’Education nationale, avec Claude Allègre dans ses valises. Ce dernier se taille une réputation de « vice-ministre », tant ses conseils irriguent la politique de son ami : l’administration et la carte universitaires, notamment, sont totalement remodelées.
En 1997, lorsque la gauche plurielle renverse la droite après la dissolution manquée de Jacques Chirac, le vice-ministre officieux devient ministre de plein droit, rue de Grenelle. Le début de la catastrophe. Il y a donc ce fameux « mammouth à dégraisser », manière de dire que l’Education nationale est un gros monstre archaïque. Puis des discours sur l’absentéisme des professeurs, qu’il veut contraindre à poser leurs jours de formation continue sur les vacances scolaires. Des attaques contre les syndicats. Claude Allègre est applaudi par la droite, conspué par les fonctionnaires de son ministère, qui à l’époque encore constituent normalement un électorat acquis à la gauche. Pour Lionel Jospin, son ami devient trop encombrant : en 2000, Claude Allègre cède sa place à Jack Lang.
À la dérive…
Lâché par le PS, l’intéressé se vengera de la gauche en passant la décennie suivante à cracher sur les socialistes, jusqu’à voter publiquement pour Nicolas Sarkozy en 2012. C’est aussi à cette époque qu’il commence à développer des discours climatosceptiques, à rebours de la communauté scientifique dont il a pourtant été, par le passé, un pilier reconnu. Dans L’Imposture climatique, un pamphlet publié en 2010, il tente de démontrer que le réchauffement climatique n’a aucun lien avec l’activité humaine, et évoque un « système mafieux et totalitaire » lorsqu’il décrit les climatologues. Ces détracteurs se souviennent, alors, qu’il s’était déjà royalement planté dans les années 1990, en défendant bec et ongles l’amiante, lorsque celle-ci s’était avérée cancérigène. Il évoquait alors une « psychose collective », terme qu’il réutilise peu ou prou au sujet de l’origine humaine du dérèglement climatique. Ses propos lui valent d’être désavoué publiquement par l’Académie des sciences – le faisant passer à la double postérité de mauvais ministre et de mauvais scientifique.
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