Alors que les dirigeants des pays membres du Mercosur (Paraguay, Uruguay, Brésil, Argentine et Bolivie) se réunissent à Montevideo, ce vendredi 6 décembre, pour conclure les négociations en vue de la ratification du – contesté – traité de libre-échange avec l’Union européenne, les paysans français poursuivent la lutte. Un jour plus tôt, jeudi 5 décembre, était ainsi organisée une action de la Confédération paysanne, devant le Grand Palais (Paris), où s’est tenue une réunion européenne de grands acteurs du commerce des céréales, dont les géants du secteur Bunge, ADM, Dreyfus et Cargill.
Alors qu’elle n’avait, jusque-là, pas procédé à des interpellations dans le cadre du mouvement de colère agricole, ranimé depuis mi-novembre, la police a arrêté cinq manifestants (quatre paysans et une paysanne). Surtout, la brigade de répression de l’action violente motorisée (Brav-M), – régulièrement épinglée pour sa violence envers les mouvements sociaux et politiques – a été déployée sur place. Vendredi 6 décembre, la garde à vue des cinq paysans a été prolongée de 24 heures. « C’est scandaleux », s’insurge Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération Paysanne.
Interrogée par l’Humanité à propos des mobilisations récentes d’autres syndicats agricoles, notamment de la FNSEA, des Jeunes Agriculteurs ou de la Coordination Rurale, Laurence Marandola regrette un « deux poids deux mesures ». « Quand il y a des dégradations sur des bâtiments publics, sur l’INRAE, sur des préfectures, sur l’Office National de la Biodiversité, quand il y a des menaces sur des personnes, il ne se passe rien », précise l’agricultrice ariégeoise. « Visiblement, on n’a pas les mêmes droits que d’autres syndicats », résume-t-elle.
Les manifestants bloqués pendant plus d’une heure
Ces cinq personnes ont été interpellées pour « violence » et « tentative d’intrusion », a annoncé la police. Des arrestations réalisées alors que les paysans manifestaient « pacifiquement », soit le signe d’un « deux poids, deux mesures », a lui aussi fustigé Benoît Biteau, député écologiste et paysan de Charente-Maritime, sur X. Arrivée à peine vingt minutes après le lancement du mouvement, la police a bloqué les manifestants pendant plus d’une heure, donnant lieu à des bousculades.
« Traders tremblez, les paysans reprennent leur blé », « sauvez les paysan.n.es, mangez un trader », « la bouffe à pas cher, c’est la paysanne qu’on enterre »… les slogans se sont malgré tout multipliés en guise d’interpellations, tandis que la 64e Bourse de commerce européenne des grains – qui rassemble depuis les années 1960 les opérateurs de marchés agro-alimentaires – se poursuivait.
« Les acteurs présents à cette Bourse de commerce que nous avons pointé du doigt sont des marchands de pesticides, des négociants, des courtiers et traders du marché mondial, des banques d’investissement », a fustigé le syndicat dans un communiqué publié en marge de l’action. « À l’intérieur, il y a des gars en costard-cravate qui se gavent sur le dos des paysans », a de son côté lancé Laurence Marandola, présente à cette mobilisation qui a rassemblé plus d’une centaine de paysans. « On était à l’endroit où étaient réunis tous les responsables de la faillite des paysans dans le monde, dans le cœur du réacteur de l’ultralibéralisme », estime la porte-parole de la Confédération paysanne, y voyant une des raisons des « violences policières et judiciaires » auxquelles font face les paysans.
Afin de les aider à résoudre le blocage imposé par la police, la Confédération paysanne a fait intervenir le député écologiste Nicolas Bonnet. Puis, peu après 15 heures, le groupe de manifestants a pu regagner le métro.
La Confédération paysanne a fait du traité de libre-échange négocié entre le Mercosur et l’Union européenne un thème de lutte primordial. Le risque d’une importation massive de produits en provenance d’Amérique du Sud, par exemple 99 000 tonnes de bœuf et 180 000 tonnes de volaille, fait craindre le pire aux paysans. Le tout à des tarifs préférentiels, alors que l’accord prévoit que 82 % des importations seront exemptées de droits de douane. De quoi accélérer un phénomène déjà existant, alors que « 50 % de la volaille » consommée en Europe est déjà importée, s’alarmait Laurence Marandola auprès de l’Humanité.
C’est pourquoi la Confédération paysanne revendique plusieurs mesures, comme « l’interdiction d’achat de nos produits en dessous de notre prix de revient », « l’établissement de prix minimum d’entrée à l’importation », « la remise en place d’outils de régulation des marchés » et, surtout, « la sortie des accords de libre-échange ».
Reste à espérer, pour les manifestants, que la voix de la France, réticente quant à la signature d’un tel accord, soit entendue. Vendredi a décembre en début d’après-midi, présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé avoir « conclu les négociations » à propos du traité de libre-échange avec le Mercosur. Un choix qui risque « d’ouvrir une crise politique majeure au sein de l’Union européenne », estime le Collectif Stop CETA-Mercosur.
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