Depuis la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et depuis l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, les relations entre la France et l’Algérie ne cessent de se dégrader. Une montée de tensions entre Paris et Alger savamment entretenue par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui en profite pour crier haro sur l’immigration algérienne. Dans ce contexte tendu, un fonctionnaire de Bercy a été mis en examen le 19 décembre et placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une enquête sur la divulgation d’informations concernant des Algériens vivant en France, dont des opposants au pouvoir, a appris l’Agence France Presse (AFP) ce mercredi 12 mars.
Cet homme est poursuivi « pour intelligence avec une puissance étrangère », « livraison à une puissance étrangère d’information sur intérêt fondamental à la nation » et « exercice d’activités pour s’informer sur les intérêts fondamentaux de la nation pour une puissance étrangère », a confirmé le parquet de Paris. Il est soupçonné d’avoir été « en contact régulier avec une personne de nationalité algérienne travaillant au consulat d’Algérie de Créteil », et « de lui avoir transmis des informations personnelles et sur les demandes d’asile » concernant des Algériens, et notamment « des opposants notoires au régime politique en place », a précisé le ministère public.
Les renseignements algériens en cause ?
Sollicité par l’AFP, l’avocat de l’employé de Bercy, Maître Sipan Ohanians, a affirmé que son client était « victime d’une campagne de menaces et de manipulation d’une puissance étrangère ayant resserré l’étau autour de lui ». D’après une source proche de l’enquête, l’Algérien qui exerçait au consulat d’Algérie de Créteil depuis fin 2022 était le commanditaire des renseignements : il bénéficierait selon elle d’une « couverture » et travaillerait pour les renseignements algériens. Il n’a pas été mis en examen à ce stade.
Toujours selon cette source, citée par l’AFP, l’agent aurait demandé des informations à l’employé de Bercy sur des ressortissants algériens. Parmi eux, figure Mohamed Larbi Zitout, membre de Rachad, une formation politique que les autorités avaient arbitrairement qualifiée de « terroriste » en février 2022 selon l’ONG Amnesty International. Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour terrorisme.
Des personnalités importantes, comme l’influenceur Chawki Benzehra, un journaliste réfugié, ou encore un Algérien ayant porté plainte en France contre un général de l’Armée nationale, sont également visées… Ces personnes ont, pour « certaines », été « victimes de violences, menaces de mort ou tentative d’enlèvement », a souligné la source proche de l’enquête, sans donner davantage d’éléments sur le lien éventuel de causalité.
Le fonctionnaire de Bercy avait noué une « relation intime » avec une assistance sociale de l’Ofii
Comment le fonctionnaire de Bercy aurait-il obtenu ces informations ? D’après une source proche du dossier, il avait noué une « relation intime » avec une assistante sociale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), qu’il sollicitait pour qu’elle consulte un logiciel confidentiel. La quadragénaire a été mise en examen le 7 février dernier pour violation du secret professionnel, rapporte le parquet. Au cours des investigations, elle a assuré n’avoir touché aucune contrepartie, complète la source proche du dossier. Contacté, son avocat Fabien Arakelian n’a pas souhaité s’exprimer.
C’est au mois de juin 2024 que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a été alertée d’une relation entre un employé de Bercy et un fonctionnaire algérien. Les investigations pour « intelligence avec une puissance étrangère, livraison à une puissance étrangère d’information sur intérêt fondamental à la nation, soustraction et divulgation de secret-défense nationale par son dépositaire, provocation à un crime de trahison ou espionnage non suivie d’effet, et violation du secret professionnel » ont ensuite été confiées à deux juges d’instruction en novembre 2024. L’enquête est en cours.
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