Une participation « massive », selon Marc Papinutti, président de la CNDP, pour un projet d’ampleur qui concentre espoirs, critiques et rejet. Et soulève des questions bien au-delà du territoire concerné. La Commission nationale du débat public (CNDP) a présenté, le 30 septembre, le bilan du débat public sur le projet de mine de lithium dans l’Allier, tenu du 11 mars au 31 juillet dernier.
Au total, 3628 personnes ont participé aux 43 événements organisés, et 3463 contributions, sous forme de questions, d’avis en ligne ou de cahiers d’acteur, ont été recueillies.
Le projet EMILI – pour exploitation de mica lithinifère – ambitionne d’alimenter près de 700 000 batteries de véhicules électriques par an pendant 25 ans. Porté par le groupe Imerys, il se déploierait sur trois sites. En bout de chaîne, la mine, située jusqu’à plus de 400 mètres sous la carrière actuelle de kaolin déjà exploitée par l’industriel à Echassières, et l’usine de conversion, à Montluçon. Pour les relier, la plateforme de chargement, à Saint-Bonnet-de-Rochefort, qui rencontre une vive opposition des habitants et que l’industriel envisage de déplacer plus au sud.
« Ils ont adapté leur discours »
Ce 111e débat public a connu des débuts difficiles. Mathias Bourrissoux, son président, décrit « une certaine frustration parmi les publics », assortie d’un « doute sur la transparence et la complétude du dossier ». Laurent Indrusiak, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT de l’Allier, qui a assisté à l’intégralité des débats pour le syndicat, a toutefois constaté « une prise en compte des divers points de vue dans le débat », ainsi qu’une « évolution du positionnement d’Imerys, qui était au début dans des éléments de langage. Ils ont dû se rendre compte que ça aurait du mal à passer, donc ils ont adapté leur discours ».
Mathias Bourrissoux l’assure : « le débat public a permis de clarifier nettement les connaissances sur le projet ». Une liste des études toujours en cours et sur lesquelles sont attendues des précisions a néanmoins été publiée par la CNDP. Points saillants à éclaircir : la soutenabilité pour la ressource en eau, mais aussi la rénovation de la ligne ferroviaire Gannat-Montluçon sur laquelle doit être acheminé le lithium, Imerys ayant assuré ne pas se résoudre au transport routier.
Ce qui n’empêche pas les réserves, tant sur le projet que sur l’issue du débat public. Laurent Indrusiak décrit ainsi un positionnement qui n’a « pas été si simple à trancher » pour la CGT, entre retombées en termes d’emploi, risques environnementaux et réindustrialisation. « Nous sommes plutôt pour le projet, avec une exigence tant sur la dimension environnementale que sociale », résume le syndicaliste.
Si, pour un dossier de cette ampleur, les débats publics constituent une obligation légale, les conclusions n’ont cependant rien de contraignant. Côté CGT, « on espère que si le projet va à son terme, Imerys tiendra compte des débats », explique Laurent Indrusiak. « On ne fait pas de chèque en blanc à Imerys », précise-t-il, évoquant en particulier les emplois promis par l’industriel.
Les retombées socio-économiques ont été un des thèmes récurrents de ce débat public. Tout comme l’intégration des parties prenantes dans la gouvernance et la concertation continue, qui fait l’objet d’une recommandation de la CNDP. Imerys s’est engagé à l’application de la norme Irma, un standard international en la matière… non contraignant. L’argument de la souveraineté énergétique a en revanche « peu convaincu », selon la CNDP.
« Pourquoi une relance minière en France ? »
L’un des thèmes les plus récurrents, l’urgence face au changement climatique, bien que largement partagé par les participants au débat public, a divisé quant aux réponses à y apporter. « La notion de sobriété s’est imposée très vite dans le débat », rapporte Mathias Bourrissoux, mais avec une forte polarisation entre partisans d’une mobilisation de tous les leviers disponibles pour décarboner les activités humaines, et ceux d’une plus grande sobriété, voire de la décroissance. « Les passerelles ont été difficiles à mettre en œuvre entre les deux », poursuit Mathias Bourrissoux.
FNE estime d’ailleurs que « l’opportunité du projet EMILI n’est pas avérée aujourd’hui en raison d’un contexte social et écologique fortement défavorable ». L’ONG insiste sur les enjeux stratégiques que soulève ce projet minier et sa dimension nationale en termes de transition écologique et de systèmes de mobilités.
Un point aveugle de ce débat public, centré uniquement sur le projet d’exploitation minière dans l’Allier. L’association « réitère sa demande de mettre en place un débat national sur la relance minière en France et les conditions de l’exploitation de notre sous-sol, en amont du débat public sur ce projet : pourquoi une relance minière en France ? »
C’est l’une des recommandations claires de la CNDP à l’Etat, Mathias Bourrissoux le pressant de « clarifier sa stratégie nationale et sa politique de planification minière ». Sauf que l’État a déjà donné quelques indices sur son inclinaison, en qualifiant ce projet, début juillet, d’ “intérêt national majeur” – une position qui a percuté le débat public. « Cela éclaircit grandement les choses », a réagi Mathias Bourrissoux, qui rappelle que « l’État a été partie prenante du débat en affichant un soutien clair au projet ». Un soutien qui ne fait toujours pas consensus au sein de la population.
Prochaine étape : la réponse des maîtres d’ouvrage, Imerys et RTE, dans un délai de trois mois, et la mise en place d’une concertation continue.
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