C’est un drame qui a mis en lumière les dysfonctionnements des crèches privées. Le 22 juin 2022, Myriam Jaouen, en poste depuis trois mois, ouvre seule la micro-crèche lyonnaise « Danton Rêve » du groupe People & Baby. À 8 heures, le père de Lisa, 11 mois, lui confie sa fille. Peu après, à 8 h 10 selon les éléments réunis par les enquêteurs, une autre mère venue déposer son enfant découvre la jeune employée paniquée ainsi que la fillette vomissant, et appelle les secours. Inconsciente à l’arrivée des pompiers, celle-ci décède à l’hôpital des suites de l’ingestion de Destop.
Depuis ce mardi 1er avril, Myriam Jaouen est jugée devant la cour d’assises du Rhône à Lyon pour meurtre sur mineur, elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Assise dans le box des accusés, l’ex-employée de la micro crèche, âgée de 30 ans, a décliné ce matin son identité avant l’appel des jurés, quatre femmes et deux hommes, qui rendront leur verdict jeudi en fin de journée. Interrogée sur sa position sur les faits, elle a ensuite affirmé, rapporte le Figaro : « Je reconnais les faits mais (…) je n’ai pas donné la mort volontairement ». Ni son avocat ni celle des parents de la petite Lisa n’avaient souhaité s’exprimer avant l’ouverture de ce procès.
La personnalité de l’ex employée examinée
La jeune femme avait été interpellée quelques heures après le drame, le 22 juin 2022, dans un parc où elle se promenait après avoir fait du shopping. Lors de son audition, elle assure d’abord que Lisa a ingéré par accident de la peinture noire, qui devait servir à réaliser une activité au sein de la crèche. Acculée par les enquêteurs, elle admet ensuite lui avoir fait boire du Destop, parce qu’elle était « excédée par ses pleurs ». Les experts sont, eux, convaincus au vu des lésions sur le corps de la victime qu’une grande quantité de liquide a été versée, une dose peu compatible avec un geste accidentel.
Après les déclarations liminaires, les débats ce mardi devraient se pencher sur la personnalité de Myriam Jaouen, une femme immature et tendant à l’affabulation selon des experts. Même si la responsabilité de la crèche n’est pas engagée, des questions devraient également émerger sur les conditions de travail dans cet établissement qui souffrait de sous-effectif chronique et de procédures inadaptées pour assurer la sécurité des enfants, selon des éléments rapportés notamment par Victor Castanet dans son livre-enquête Les Ogres, paru en septembre 2024.
Une logique de « rentabilité maximum » qui fait « rogner sur la sécurité »
Citant « un rapport hautement confidentiel » remis par « une source interne » et « relatif aux conditions de travail des employés de cette crèche de Lyon où a eu lieu l’irréparable », le journaliste met notamment en lumière « un point particulièrement alarmant » de ce document « daté du 16 juin 2022 » : « à la question « Les nouveaux embauchés, salariés temporaires et apprentis sont-ils accueillis et informés sur la sécurité et la santé au travail ? », les inspecteurs ont répondu « NON » , rapporte-t-il estimant que « contrairement à ce que laisse entendre Christophe Durieux (président des crèches People and Baby, NDLR), les défaillances de People & Baby s’agissant de la gestion de son personnel ne sont pas des inventions de journalistes ou des rumeurs propagées par ses concurrents ».
Lors de ce procès, il faudra se pencher sur les circonstances qui « permettent à l’auteur de se livrer à son crime », estime en conséquence Me Jean Sannier, conseil de l’association Innocence en danger, qui s’est constituée partie civile tout comme Enfant Bleu Enfance Maltraitée et les parents de Lisa. L’avocat dénonce la logique économique de « rentabilité maximum » pratiquée dans les micro-crèches, qui fait « rogner sur la sécurité ». Pour lui, cela a ouvert « un interstice » et permis l’emploi d’une « salariée fragile, qu’on a recrutée sans regarder vraiment qui elle était ».
La mort de Lisa avait créé la sidération et initié plusieurs enquêtes qui ont dressé un bilan sévère des crèches privées. Trois semaines après ce décès, le gouvernement avait ainsi saisi l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour analyser le secteur. Publié en avril 2023, son rapport décrit une qualité d’accueil « très disparate » et pointe une pénurie de personnel et une faiblesse des contrôles. Deux rapports parlementaires et trois livres-enquêtes ont ensuite épinglé « un système à bout de souffle » et une course au rendement menée au détriment des enfants, sans qu’aucune réforme de grande envergure ne soit menée à ce jour.
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