Le 13 avril 1996, le directeur de Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) est « assommé ». « Groggy, K-O debout », décrit un reporter de Sud-Ouest. « Lent à réagir pour se défendre des coups qui viennent d’être assénés à l’institution », fustige-t-il même. En cause, des plaintes « d’apparence anodine » émanant d’une professeure « bousculée » et d’un « potache giflé » – en réalité, un gamin qui, tympan crevé par la mandale d’un surveillant, a perdu une bonne partie de l’audition.
Le localier s’étrangle : alors que « des faits de cette nature » surviennent « tous les jours dans les collèges, publics ou privés », c’est au « symbole » que ces « rumeurs très négatives » s’attaquent. Tout ça parce que Bétharram reste « l’un des derniers bastions d’une éducation à la dure capable de tenir tête aux coups de boutoir d’une société permissive triomphante depuis Mai 68 ». Et de décrire dans une veine poétique, ou sadique, l’ « attendrissement » des parents « relativisant le supplice du perron, ces heures passées au piquet, parfois à genoux sur une règle qui les scie, jusqu’à ce que le sang perle ».
Le surlendemain, le 15 avril, un inspecteur d’académie expédie son rapport vite fait mal fait : pour lui, la « vérité », c’est que Bétharram ne semble « pas un établissement où les élèves sont brutalisés ». Début mai de la même année, François Bayrou, alors ministre de l’Education nationale et familier des lieux – comme chacun sait désormais, son épouse y fait le catéchisme et la plupart de ses six enfants fréquenteront l’école -, s’offusque de ce qu’il décrit comme des insinuations malveillantes contre l’établissement catholique.
« J’en ai beaucoup entendu parler, glisse-t-il lors d’une visite saluant la réfection de la chapelle de Bétharram. Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Ce n’est pas le ministre, ce n’est pas le parent d’élèves qui parle, c’est le Béarnais ».
« Mais enfin, maman, à cette époque-là, t’as pas percuté ? »
Nathalie1 n’avait rien vu de tout ça, elle ne lisait pas la presse locale. En octobre 1996, elle écrit au médecin de ses parents qui, pendant les vacances de la Toussaint, accueillent son fils. Elle le prie de profiter de son passage pour d’examiner l’adolescent.
Élève à Bétharram depuis ses 10 ans, Julien1 en a trois de plus désormais. Il a passé un scanner parce qu’il se plaint tout le temps de maux de tête, et il souffre de « douleurs anales aiguës ». Le docteur prescrit une pommade contre les hémorroïdes. Cette lettre, Nathalie l’avait complètement oubliée. C’est son fils qui lui en a envoyé une copie l’année dernière. Avec un message, lapidaire : « Mais enfin, maman, à cette époque-là, t’as pas percuté ? »