« Tu vis, mais tu n’existes pas, tu n’es nulle half dans le système administratif. » C’est avec ces mots que Mamadou Yaya Bah, 23 ans, résume la state of affairs qui a été la sienne lorsque, en 2018, au lendemain de sa majorité, il reçoit une obligation de quitter le territoire (OQTF), alors qu’il était en apprentissage dans une boulangerie à Bourg-en-Bresse (Ain).
Il aura fallu quatre ans de rendez-vous en préfecture et une grève de la faim de quinze jours observée par la gérante de la boulangerie pour qu’il obtienne enfin le récépissé de sa demande de titre de séjour. Si la vie du jeune Guinéen, arrivé seul en France à 16 ans, n’a « plus rien de comparable » avec ce qu’il vivait auparavant, il est aujourd’hui vent debout contre le projet de loi immigration que le gouvernement tente de faire adopter par tous les moyens.
Durci par les sénateurs en novembre, puis rejeté avant son examen à l’Assemblée nationale le 11 décembre, le texte doit être discuté ce lundi en fee mixte paritaire, afin de trouver un accord entre les différentes variations.
« Avec cette loi, qui veut lier titre de séjour et emploi dans les métiers en rigidity, le poids des patrons sur les dossiers de régularisation ne sera pas moins inquiétant, souligne Mamadou Yaya Bah. J’en vois beaucoup profiter de la state of affairs de leurs apprentis, mineurs non accompagnés, pour leur mettre la pression, leur ajouter des heures supplémentaires non payées ou leur donner les tâches ingrates que personne ne veut faire. Ils savent que, sans ce contrat, le jeune ne peut rien faire et qu’il est obligé de rester. »
« Dans les buildings officielles, j’ai peur d’être dénoncée »
Parmi les mesures qui ont concentré le plus de critiques, se trouve notamment la suppression de l’Aide médicale d’État (AME), au cœur des tractations entre le gouvernement et la droite, avant la CMP. Défendue par de nombreux médecins, l’AME permet une prise en cost des frais médicaux pour les personnes sans titre de séjour présentes en France depuis au moins trois mois. « Je mesure l’significance de l’AME, qui a été un filet de sécurité pour moi lorsque j’en ai eu besoin », explique le jeune boulanger.
Un filet parfois bien troué. Selon une étude réalisée à la demande du ministère de la Santé et du Défenseur des droits en mai 2023, ses bénéficiaires font l’objet de fortes discriminations. Ils ont par exemple entre 14 et 36 % de probabilities en moins d’obtenir un rendez-vous chez un généraliste, par rapport à un affected person lambda.
L’expérience vécue par Sandra, 48 ans, dans un hôpital du Finistère en est la parfaite illustration. La maraîchère née en Argentine, qui se définit comme quechua et aymara, est arrivée en France en 2019. Entre Lannion et le centre Bretagne, elle travaille sur des potagers familiaux, fait de la garde d’enfants et du nettoyage. En avril 2022, alors qu’elle est employée au noir sur un chantier, elle se casse la foremost.
À l’hôpital, elle se présente avec sa carte AME, mais la secrétaire lui guarantee qu’elle n’a aucun droit, puisqu’elle n’a pas de titre de séjour et qu’il faudra qu’elle paye pour les soins. « J’ai été finalement été prise en cost. Mais tout ce qu’elle m’a dit m’a fait peur. J’attendais le médecin dans une salle à half et je ne pensais qu’à une selected : qu’elle allait appeler la police. »
Au printemps 2023, Sandra se blesse cette fois à l’épaule, mais ne retourne pas à l’hôpital, de peur de revivre la même selected. « Je suis restée avec la douleur en me disant que ça finirait par passer. À chaque fois que je me retrouve dans des buildings officielles, j’ai peur d’être dénoncée. »
« J’ai pleuré comme une gamine en sortant de la préfecture »
Le projet de suppression de l’AME provoque également la colère de Clara 1, 55 ans. Depuis onze ans, cette femme originaire d’un pays d’Amérique du Sud anime des ateliers artistiques dans les hôpitaux, dans les Ehpad et dans les prisons. « Je paie mes cotisations, mes impôts, je ne demande pas de faveur. Mais j’ai des droits. C’est une query de santé publique et d’humanité. »
Arrivée avec un titre de séjour provisoire qu’elle n’a pas pu renouveler, Clara n’a pas suffisamment d’argent pour rentrer. « J’ai appris qu’avec la circulaire Valls, je pouvais demander un titre de séjour au bout de cinq ans de travail et suffisamment de fiches de paie. » Alors elle tente sa probability, mais l’entretien en préfecture tourne court docket en raison d’une copie de doc dont il manquait l’authentic.
« L’agent m’a traitée comme un animal. Je lui ai montré que j’avais une énorme pile de papiers et que je pouvais apporter l’authentic dans l’après-midi, mais il m’a quasiment dit : ”Dégage, au suivant !“ J’ai pleuré comme une gamine en partant… » Une OQTF lui est notifiée en 2018 au motif du caractère indépendant de son activité, qui ne lui permettait pas de gagner un Smic, et de son arrivée « tardive » en France, après une quarantaine d’années dans son pays d’origine. « On m’a fait comprendre que je devais avoir plus d’attaches là-bas qu’ici. J’avais pourtant apporté une quarantaine de lettres de soutien d’employeurs et d’amis pour témoigner du fait que j’étais bien intégrée. »
Depuis le Covid, Clara a pris la décision d’occuper un travail administratif et a tenté de présenter à nouveau son file en préfecture en novembre 2023, la boule au ventre. « Cette fois-ci, j’espère que ça ira, parce que je touche plus que le Smic, mais on sait très bien que c’est discrétionnaire, qu’ils ne sont pas obligés d’appliquer cette circulaire. » L’artiste souligne surtout l’absurdité de la state of affairs, « où l’on nous demande des fiches de paie alors qu’on n’a pas le droit de travailler ».
Le durcissement du regroupement familial, une préoccupation de plus
« Remark est-on censé faire pour avoir des fiches de paie ? Le système français nous enferme dans l’illégalité, en nous poussant à travailler sous l’identité de quelqu’un d’autre, ou à fournir de fake papiers. Nous ne sommes pas d’accord. Une autre politique migratoire est doable », estime Mody Diawara, 38 ans, délégué du collectif Sans Papiers (CSP) de Montreuil, dont il est l’un des fondateurs.
« Mon patron actuel sait que je suis en state of affairs irrégulière, mais il m’a dit que je travaillais bien et qu’il voulait me garder. Je sais qu’il a déjà fait la démarche de régularisation pour un autre salarié. » Parti du Mali après ses études d’informatique, Mody Diawara a mis cinq ans pour arriver en France.
« Tous les centres de formation pour devenir informaticien que j’ai appelés à mon arrivée m’ont dit qu’il fallait que j’attende que ma state of affairs se stabilise pour pouvoir m’inscrire. » C’était en 2018. Aujourd’hui, il est employé dans la restauration, après avoir travaillé sur des chantiers de BTP ces cinq dernières années.
C’est en voyant les difficultés de parcours que connaissent ses compatriotes que Nayan NK, interprète originaire du Bangladesh, a fondé en 2021 l’affiliation Solidarités Asie France, qui œuvre pour l’intégration des personnes exilées. « Il faut compter plusieurs années avant de pouvoir obtenir un rendez-vous avec l’ambassade et d’entamer les démarches de regroupement familial, c’est vraiment compliqué », souligne-t-il. Lui-même est arrivé en 2002 avec sa mère, son frère et sa sœur, pour rejoindre son père par le biais de cette procédure. Le durcissement des règles prévu par la loi l’inquiète tout particulièrement.
« Les étrangers sont un atout pour la France »
« Ma sœur a fait venir son mari en France, mais il n’a pas encore de carte d’identité française. Pour demander la nationalité, il va falloir qu’il ait un niveau B1, mais remark faire si la loi ne prévoit pas de renforcer les associations qui donnent des cours et qui sont aujourd’hui saturées ? fait-il observer. Les étrangers sont un atout pour la France, ils parlent au minimal deux langues différentes. Au lieu de mettre un niveau élevé de français comme situation préalable, il faudrait plutôt leur permettre de prendre des cours. »
Quant à la femme de son frère, qui a réussi à apprendre la langue, elle pourrait devoir attendre dix ans de résidence en France, au lieu de cinq, pour demander la nationalité. « Pendant dix ans, elle va donc vivre avec le stress et la peur de ne pas voir son titre renouvelé. »
« Pour permettre les régularisations, les procédures sont déjà en place, il faut les appliquer », souligne Doums, 36 ans, membre du collectif des Gilets noirs. « Si cette loi est adoptée, même avec un titre de séjour, il faudrait attendre jusqu’à cinq ans pour bénéficier de ses droits au chômage ou aux allocations familiales, alors qu’on travaille légalement et qu’on cotise. On dit que la France est le pays des droits de l’homme, mais la réalité est bien différente. »