Le « décret marchand de sommeil » sera-t-il abrogé ? C’est en tout cas l’objectif de l’association Droit au logement (DAL). Rejointe par ATD Quart-Monde, la CNL, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique et Solidaires, l’organisation a déposé un recours auprès du Conseil d’État contre ce texte qui a légalisé, selon Jean-Baptiste Eyraud, son président, la location d’habitations « indignes ».
Publié le 29 juillet 2023 et entré en vigueur le 1er octobre de la même année, le décret habitat, portant sur les « règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés », rend accessibles à la location des surfaces considérées jusque-là comme impropres à l’habitation. Il autorise ainsi la mise sur le marché de logements de moins de 2,20 m de hauteur sous plafond ou situés en sous-sol. « Ce qui contrevient aux normes d’insalubrité fixées par la circulaire de lutte contre l’habitat indigne promulgué en 1978 et surtout par la loi ! », insiste le militant du DAL, espérant que le Conseil d’État, qui examine le recours ce vendredi 12 juillet, l’invalidera.
Un décret qui permet de louer des logements dangereux pour la santé
Jusqu’à présent, les règles générales d’hygiène et de salubrité étaient définies par les arrêtés préfectoraux pris sur le modèle de la circulaire du 9 août 1978, qui impose une hauteur sous plafond d’au moins 2,20 mètres. À défaut, le logement peut être considéré comme impropre à l’habitation. Le décret habitat écarte cette contrainte, se basant simplement sur un « volume habitable suffisant », dont le seuil est fixé à 20 m3. Il revient également sur d’autres dispositions réglementaires concernant les pièces de vie d’un logement. La circulaire de 1978 notifiait que celles-ci devaient être pourvues « d’une ouverture sur l’extérieur donnant à l’air libre » et d’une « section ouvrante permettant une aération naturelle suffisante ».
Selon cette définition, les caves, les sous-sols et les habitations qui ne respectaient pas ces dispositions ne pouvaient donc être « mis à disposition, à titre gratuit ou onéreux ». Et le non-respect de ces normes de salubrité pouvait, jusqu’à récemment, exposer un bailleur à des poursuites pénales pour le délit de « marchand de sommeil ». Or, la promulgation de ce fameux décret l’an passé a complètement rebattu les cartes, en autorisant, sous prétexte de « répondre à la crise du logement », la mise sur le marché de logements dangereux pour la santé de leurs occupants.
« C’est un décret cynique. Au lieu de construire de nouveaux logements sociaux, le gouvernement propose de loger les classes populaires dans des logements dégradants et dégradés qui abîment leur santé. Nous assistons à une régression historique des questions de santé dans l’habitat », dénonce Jean-Baptiste Eyraud.
Une pièce de 8 mètres carrés en sous-sol pour 500 euros par mois
D’après le DAL, ils sont des milliers à vivre en France dans des logements indignes. C’est le cas d’Amine1 (1), qui habite en région parisienne. Son appartement, certes de 34 m2, est situé dans le sous-sol semi-enterré d’un pavillon. La chaudière du logement n’est pas aux normes. Des risques d’intoxication au gaz ont d’ailleurs été relevés en raison d’un problème de ventilation dans le sous-sol.
Amine se plaint d’ailleurs régulièrement de maux de tête. La présence d’infiltrations et d’une forte humidité, à hauteur de 40 %, générant de nombreuses moisissures, impacte également le jeune homme, qui a développé des problèmes respiratoires. Le logement nécessiterait de lourds travaux de réhabilitation, que le propriétaire se refuse à faire. Un scandale alors qu’Amine, payé au Smic, dépense plus de 700 euros pour le loyer.
Si les quartiers populaires regorgent de logements indignes, les territoires plus aisés ne sont pas en reste. Dans un arrondissement cossu, situé au cœur de la capitale, Mira et Antonio 2 habitent dans le demi-sous-sol d’un bâtiment haussmannien. À l’instar d’Amine, leur logement est classé comme insalubre et impropre à l’habitation. D’une superficie de 8 m2, il est en dessous de la surface minimum légale, fixée à 9 m2.
La pièce ne dispose que d’une seule fenêtre qui s’ouvre au niveau de la rue. Elle présente également de nombreuses moisissures. L’accès aux sanitaires, partagés avec cinq autres locataires, se fait sur le palier. Le couple, qui dispose de faibles ressources financières, paie, de surcroît, un loyer de plus de 500 euros, bien au-dessus du cadre réglementaire…
Si ce décret n’est pas cassé, Jean-Baptiste Eyraud craint la démultiplication des logements de ce type. « Il existe des milliers de propriétaires peu scrupuleux, attirés par l’appât du gain, qui vont saisir le juge pour demander l’annulation des arrêtés d’insalubrité, afin de pouvoir louer toujours plus. C’est une lame de fond qui se prépare », alerte le militant. Et d’appeler le premier ministre, avant son départ du gouvernement, à abroger ce « décret de la honte ».
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