L’espoir est limité, mais ça n’empêche pas d’interpeller. Depuis l’annonce de l’arrivée à Matignon de Michel Barnier, les acteurs du logement, des associations soutenant les mal-logés aux promoteurs, ont exprimé leur souhait de voir le nouveau premier ministre s’intéresser enfin à ce secteur, essentiel mais maltraité depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. « Nous l’appelons à prendre la mesure de la crise du logement que la France traverse. (…) C’est la crise de tout un secteur économique. Elle pèse sur l’emploi, mais contribue également à la dégradation du climat social, privant des centaines de milliers de familles d’un logement digne à un coût soutenable. Elle creuse aussi la dette de l’État qui se prive ainsi de recettes importantes », a rappelé, dès le 5 septembre, l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère l’ensemble du logement social.
La crise du secteur est visible à tous les étages
« La situation est grave. (…) Il est plus que temps que la France se réveille et que nous ayons un premier ministre conscient de ce qu’il se passe », avait de son côté alerté le président de la Fédération des promoteurs immobiliers, en amont de la nomination du Savoyard. Quant aux associations de solidarité, regroupées dans le collectif Alerte, elles se sont adressées directement au nouveau locataire de Matignon sur le réseau social X, exprimant leur « impatience de (lui) faire rencontrer des personnes en situation de précarité pour que le gouvernement agisse enfin ».
Il est vrai qu’après sept années de macronisme, tous les signaux sont au rouge. Le décalage entre la quantité de logements disponibles, les tarifs de ceux qui le sont et la demande n’a cessé de se creuser. Résultat, toujours plus de ménages n’ont pas de domicile, sont mal logés ou mettent dans leur loyer une part trop importante de leurs revenus. Début septembre, l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité ont rappelé que plus de 2000 enfants dorment désormais dans les rues.
Autre symptôme, les difficultés toujours croissantes des étudiants et des jeunes actifs pour se loger qu’on observe à chaque rentrée. La crise de l’offre se voit aussi dans la hausse du nombre de demandeurs de logement social, qui a atteint 2,6 millions en 2023, contre à peine plus de 2 millions en 2016.
Faute de logements à des tarifs en adéquation avec les salaires, la mobilité résidentielle est elle aussi au point mort, entraînant un cercle vicieux dans lequel ceux qui sont logés ne peuvent déménager et ne libèrent donc pas de logements.
Nouveau recul des mises en chantier sur un an
La situation ne devrait pas s’améliorer alors que la construction est elle aussi en berne. « Au cours des douze derniers mois, on estime que 282 400 logements ont été mis en chantier, soit 81 200 de moins (– 22,3 %) qu’entre mai 2022 et avril 2023, et 27 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la crise sanitaire (mars 2019 à février 2020) », a constaté au printemps le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en publiant ses derniers chiffres. Le secteur HLM, particulièrement ciblé par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017, est lui aussi à la peine pour à la fois faire face à ses obligations de rénovations et construire.
Depuis 2020, on est passé sous la barre des 100 000 nouveaux logements par an, et on devrait tourner autour de 80 000 en 2024, contre 130 000 en 2016. Cette déconfiture générale impacte ceux qui cherchent à se loger, mais aussi les salariés du secteur. Dans une lettre adressée le 28 août à l’Assemblée nationale, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, alertait : « Dans l’Hexagone et en outre-mer, le bâtiment constitue non seulement un besoin fondamental, mais aussi une armature territoriale forte. Les professionnels ne pourront continuer à investir et à embaucher que si la politique menée dans ce domaine est à la fois lisible, réaliste et cohérente dans le temps. Sans cette visibilité, 150 000 emplois se trouvent menacés d’ici 2025. »
L’État enferré dans une vision à court terme
Ce qui fait l’unanimité parmi les acteurs, c’est un appel à changer de cap. Premier poste budgétaire des Français et moteur central de la baisse de leur pouvoir d’achat, le logement n’a été vu que sous le prisme court-termiste des économies budgétaires.
Sans voir que le secteur rapporte plus qu’il ne coûte, sans même prendre en compte les bénéfices en termes de cohésion sociale, Bercy n’a eu de cesse depuis 2017 de réduire l’implication financière de l’État. Malgré de multiples alertes, les orientations données au cœur de l’été au budget par le gouvernement démissionnaire vont dans le même sens.
Dans un communiqué daté du 30 août, l’USH alertait sur ces « « lettres plafonds » (…) qui fixent un cadre de travail pour la future loi de finances » et « entravent la mise en œuvre des engagements, notamment en termes de soutien à la rénovation énergétique, pris par le gouvernement ». Le très libéral Michel Barnier va-t-il inverser la tendance ?
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