La Cour de cassation continue la construction de sa jurisprudence dans l’affrontement protection de la vie privée du salarié et droit à la preuve. Après avoir jugé qu’un employeur ne pouvait licencier un salarié pour avoir tenu des propos insultants à l’égard de son supérieur dans le cadre d’échanges privés sur Facebook, même obtenus non frauduleusement, elle a désormais planché le 25 septembre1 sur la portée de la sanction de l’employeur en cas d’atteinte à la vie privée du salarié et a fait émerger une nouvelle subtilité. L’intimité de la vie privée du salarié se distingue de sa vie privée.
Dans l’une des deux affaires qui lui étaient soumises, le salarié avait été licencié par la RATP au motif que, lors d’un contrôle de police, après son service, il aurait été trouvé en possession de cannabis. Dans l’autre, il avait été licencié en raison de propos échangés lors d’une conversation privée, mais tenue pendant son temps de travail, grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur.
« Reste à définir l’intimité, ce « sanctuaire particulièrement protégé », selon le doyen Waquet. »
La conversation n’était pas professionnelle et sans rapport avec sa vie privée stricto sensu, s’agissant de blagues pour lesquelles la Cour de cassation en 2022 avait écarté la qualification de harcèlement sexuel2. Elle était donc privée sans être personnelle. Dans ce cas, la Cour a jugé que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, ce qui implique le secret des correspondances » et que le licenciement était constitutif de la violation d’une liberté fondamentale.
En conséquence, en dérogation au principe selon lequel la rupture du contrat de travail n’ouvre droit pour le salarié qu’à une réparation indemnitaire, il peut désormais demander l’annulation de son licenciement et solliciter sa réintégration. À l’inverse, si posséder du cannabis dans son véhicule en dehors des heures de service relève de la vie privée et ne peut justifier un licenciement, cela ne relève pas de l’intimité de la vie privée et ne peut justifier la nullité du licenciement.
Si la Cour de cassation, dans les deux cas, confirme que l’employeur n’a pas à juger la vie privée du salarié et que, s’il en prend connaissance, il est tenu d’en faire abstraction, seul le droit au respect de l’intimité de la vie privée est une liberté fondamentale. Reste à définir l’intimité, ce « sanctuaire particulièrement protégé », selon le doyen Waquet : cela devrait être a minima outre la protection de la correspondance, celle de la vie sentimentale et sexuelle, de la santé et du domicile. À suivre.
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