Fabuliste et esclave dans la Grèce antique, Ésope s’était mis en devoir de ne cuisiner que des langues car, disait-il, la langue, la parole, est la meilleure des choses. C’est le lien de la vie civile, la clé des sciences… Et c’est la pire des choses, la nourrice des procès, la source des guerres, de la calomnie…
Quelle langue parle l’intelligence artificielle ? Le sommet de Paris propose une vitrine internationale mais l’IA, aujourd’hui, parle le chinois et l’américain des hypermilliardaires ralliés à Donald Trump. Les 500 milliards d’investissements dans le secteur qu’il a annoncés sont leur cadeau de bienvenue. Leur langue n’est pas celle de l’humanité et de la révolution du bien commun que pourrait être la formidable avancée technologique en cours à la condition qu’il soit au service de tous.
Ce n’est pas le cas dès lors que les objectifs sont la rentabilité, la domination mondiale, le contrôle des esprits. Le techno-fascisme qui a pris le pouvoir aux États-Unis entend régner sans partage. L’IA parle d’économie à partir des marchés, de géopolitique à partir des schémas existants, des relations humaines à partir des stéréotypes que reconduisent ses algorithmes.
En mars 2024, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, un colloque intitulé « Femmes et IA, briser les codes », soulignait à la fois qu’elle était sans conteste une source de progrès mais comment elle générait, diffusait et reproduisait les inégalités de genre. Non seulement parce que l’univers de la tech est masculin, mais aussi parce que les sources sont empreintes de représentations minimisant la place et le rôle des femmes. L’IA n’est pas a priori misogyne, elle le devient. Inutile d’insister à ce point sur le masculinisme revendiqué désormais par Mark Zuckerberg mais partagé à l’évidence par ses pairs.
On voudrait, sans trop se faire d’illusions, que le sommet de Paris soit autre chose que la quête de places à prendre dans la compétition ouverte, mais qu’il serve une prise de conscience. Le développement intelligent de l’intelligence artificielle passe par la lutte contre les discriminations, le patriarcat, l’emprise du capital.
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