De nombreuses études démontrent les effets délétères des pesticides et notamment du glyphosate sur les vers de terre. Ces « discrets travailleurs des sols » participent pourtant « à leur fertilité, à leur perméabilité et à la régulation du cycle de l’eau », alertent des chercheurs, dont Céline Pélosi, directrice de recherche à l’Inrae (Institut nationwide de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), écologue et écotoxicologue des sols.
Les vers de terre sont, pour de nombreuses personnes, synonymes de saleté, et souvent rejetés en raison de leur side. Quel est leur rôle ? En quoi sont-ils importants ?
Les vers de terre représentent 80 % de la biomasse vivante du sol. Ces animaux travaillent pour nous en permanence. En digérant la matière organique, ils fertilisent le sol. Ils créent également des galeries dans le sol. Ce qui permet de retenir l’eau pour alimenter les racines des plantes d’une half et, de recharger les nappes phréatiques d’autre half. Les vers de terre sont également en interplay constante avec les autres organismes vivants. Ils se nourrissent de matières organiques en décomposition. Ils créent le sol en mélangeant la matière organique qu’ils ingèrent à la matière minérale provenant de la roche.
Dans une étude, publiée en 2022, vous indiquez que les pesticides utilisés dans l’agriculture, à commencer par le glyphosate, peuvent se diffuser largement dans l’environnement, hors des parcelles traitées. Quel est l’affect du glyphosate sur les vers de terre ?
Dans ces deux articles, nous avons mis en évidence que la totalité des sols étaient contaminés par un pesticide – sachant que nous avions étudié 31 pesticides sur des parcelles traitées et non traitées. Pour être précise, 80 % des sols étaient contaminés par du glyphosate. J’ai ensuite fait une revue bibliographique exhaustive de tous les articles publiés de 1982 à 2022 sur cet herbicide. Au complete : soixante-trois évoquent des effets sur les vers de terre. Il ne provoque pas de mortalité lorsque la dose recommandée est respectée. C’est l’utility répétée des pulvérisations sur le lengthy terme qui perturbe l’ADN, la croissance et la copy des vers de terre. Ce constat vaut pour tous les pesticides.
D’autres intrants menacent-ils les populations de vers de terre ?
Le phénomène de fatigue que l’on observe chez les populations de vers de terre sera plus rapide selon les pesticides utilisés. Les industriels se doivent d’effectuer des assessments réglementaires préalables à l’autorisation et la vente des pesticides. Problème : ces études sont complètement biaisées. Elles sont effectuées sur des vers de terre qu’on ne trouve pas dans les champs, mais élevés sur des sols artificiels et se basent sur une durée de 28 jours most. Ce qui ne permet pas de mesurer les effets des pesticides au lengthy terme. Tout est fait pour que l’on puisse valider le produit. Aucune des 63 études qui évoquent explicitement le lien néfaste entre le glyphosate et les vers de terre n’a été prise en compte par la Fee Européenne. Cette dernière s’est basée uniquement sur celles réalisées par les firmes. Et cela dure depuis que le glyphosate a été mis sur le marché.
On parle souvent de l’extinction des abeilles et des conséquences catastrophiques que cela suscite pour l’équilibre de l’Humanité. Le rôle du vers de terre semble tout aussi essentiel. Remark expliquez-vous son absence dans le débat médiatique ?
Le vers de terre, c’est visqueux. Pour certaines personnes, il est synonyme de mort. De manière générale, le vers de terre n’a pas une belle picture, alors qu’il est absolument primordial pour nourrir l’humanité. Les vers de terre sont le pendant des abeilles. La méconnaissance provient d’un manque de communication de la half des scientifiques. J’ai mis du temps à me dire qu’il était necessary de parler à la presse. Je le fais aujourd’hui par devoir citoyen. Et j’encourage mes collègues à le faire.
Le 12 octobre dernier, vous avez co-signé une tribune dans Le Monde pour alerter sur les risques majeurs que fait encourir l’herbicide aux vers de terre. Pensez-vous que cet énième avertissement scientifique aura un affect sur la décision finale de la Fee européenne ?
S’il n’y a pas quinze voix au sein de la Fee Européenne qui disent non, ce sera à l’Europe de décider. Cela me fait penser au principe du colibri. Dans la légende, la forêt brûle et tous les animaux s’en vont. Seul un petit colibri fait des allers-retours avec de l’eau pour éteindre le feu. Un jour, il croise un crocodile qui lui dit « Mais pourquoi, tu fais tout ça, cela ne sert à rien. » Moi, je fais le colibri. En tant que scientifique, les décisions des establishments ne m’appartiennent pas. En revanche, j’essaye de faire ce qui est en mon pouvoir pour informer l’opinion. Nous, chercheurs, sommes payés par l’État pour faire des recherches. Nous sommes prêts à mettre nos découvertes à la disposition des establishments. Mais si celles-ci ne sont pas utilisées, à quoi sert notre travail ?
70 % des sols agricoles français contiennent du glyphosate. Quelles seraient les stratégies à mettre en place pour aboutir à une agriculture plus sturdy ?
Il faut arrêter d’utiliser des pesticides. Depuis soixante ans, on s’est évertué, dans l’agriculture conventionnelle, à mettre en place des pratiques néfastes. On a simplifié le système en substituant les vers de terre par des intrants chimiques. C’est là-dessus que les scientifiques et les agriculteurs doivent se parler. Nous avons conscience que ce n’est pas easy. Je ne suis pas une spécialiste des alternate options. Néanmoins, on pourrait, par exemple, s’inspirer de l’agriculture biologique où les pertes de rendements des agriculteurs sont dédommagées. Il faudrait limiter le tassement du sol : le labour trop fréquent entraîne une diminution du taux de matière organique dans le sol. Nous devons aider les agriculteurs à aller vers une agriculture à la fois sturdy et productive. Pour cela, il faut d’abord changer les pratiques. Cela prendra du temps. Pour autant, c’est nécessaire automotive la imaginative and prescient court-termiste actuelle est intenable sur le lengthy terme.
La Fee européenne rendra prochainement son avis sur le renouvellement ou non d’autorisation du glyphosate pour dix ans. Remark expliquez-vous un tel déni institutionnel ? Est-ce le signe de la victoire des lobbies industriels ?
Ce n’est pas mon rôle de statuer là-dessus. Ce que je peux dire, c’est que les scientifiques sont encore trop absents de ces discussions. Je ne connais pas les scientifiques qui ont été sollicités par la Fee Européenne. Pour autant, moi qui suis spécialiste des vers de terre et des pesticides, on ne m’a jamais demandé mon avis…