C’est donc ça, des « écoterroristes ». Des gens de tous âges qui réclament des « zones de baignade » et des « îlots de fraîcheur » plutôt que la « voracité des bétonneurs ». Dimanche, ils sont une petite centaine à avoir bravé le crachin parisien pour débarquer, sans autorisation, sur les berges de Seine, à deux pas de la Bibliothèque François-Mitterrand. Automotive c’est dans cette zone de la capitale que Cemex, Eqiom ou encore Lafarge ont leurs quartiers.
Ce sont eux qui sont visés dans le cadre des « journées d’motion contre Lafarge et le monde du béton », organisées par les Soulèvements de la Terre dans toute la France entre le 9 et le 12 décembre contre l’artificialisation des sols. Soit la première motion d’ampleur depuis que le Conseil d’État a, le 9 novembre, empêché la dissolution administrative du collectif écologiste.
« Tout le monde déteste le béton »
Il est 14 heures pile lorsque trente activistes déboulent au level de rendez-vous. C’est une « réunion joyeuse », promet-on, alors qu’un drôle de ballet se met en place. Les uns s’entraînent au djembé et au saxophone quand les autres trimballent des cabas et installent un panneau passe-tête où est dessinée une volaille – le fameux « dindon de Lafarge » – avec un bâton de dynamite.
Sur deux silos appartenant à l’entreprise Cemex, cinq militants déplient une banderole « Laisse béton ». La chorale entonne « Et tout le monde déteste le béton », puis « Lafarge, Lafarge, t’es complètement barge », histoire de bien faire passer le message. À 14 h 6, quatre bus de police arrivent, sirènes allumées, mais restent à l’écart de la manifestation bon enfant en solidarité avec les personnes mises en examen à la suite du « désarmement » d’une usine de béton près de Marseille, l’an passé.
La kermesse prend forme, avec deux écriteaux dépliés, dont « Lafarge coupable » avec une goutte de sang. Il y a même à manger : « Soupe et biscuits à prix libre, c’est tout chaud ! C’est sous la tractopelle ! » lance un homme à la volée. « On veut contrer, avec chaleur, le discours qui nous présente comme des écoterroristes. On veut juste défendre notre milieu de vie et notre avenir. L’affiliation de malfaiteurs, ce n’est pas les Soulèvements de la Terre, ce sont les sociétés comme Lafarge », justifie Jeanne, masque dindon sur les yeux.« Dans une ambiance créative, nous nous réapproprions ces lieux occupés par les bétonneurs pour ouvrir un espace de parole aux luttes locales », annonce un porte-parole. Tour à tour, on s’en prend au Grand Paris Specific, aux jeux Olympiques Paris 2024, au futur centre business près de la gare d’Austerlitz ou encore au canal Seine-Nord. Autant de grands projets coupables, aux yeux de ces militants, de bétonner à outrance.
Et ce, au revenue des industriels et avec l’aval des pouvoirs publics. « Nous exigeons un moratoire immédiat sur l’artificialisation des sols et une réelle concertation des populations locales sur l’utilization de nos territoires », demandent au micro Alice et Mathieu, de la coordination des luttes locales d’Île-de-France. Et les manifestants de prévenir en chanson : « Nous sommes les dindons d’Lafarge (…) Sachez toutefois qu’un dindon ça peut être féroce. Un peu moins qu’un rhinocéros, plus qu’un capitalos. »