Alors que le salon de l’Agriculture s’ouvre dans quelques jours seulement, le gouvernement appuie sur l’accélérateur pour voir définitivement adopté son projet de loi d’orientation agricole, dans les cartons depuis la fin de l’année 2023. Le texte, adopté ce mardi par le Sénat, a été vidé de sa substance par les élus, ignorant complètement ses objectifs premiers de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire. Pire, le projet s’évertue à adouber une agriculture intensive et tournée vers l’export, faisant fi de la protection du vivant.
C’est en tout cas ce que constatent les associations et fondations réunies dans le collectif Nourrir. Celles-ci dénoncent l’immense danger que représenterait l’adoption de la loi, qui doit encore être examinée en commission mixte paritaire. Le bât blesse dès le premier article du texte, qui vise à établir les priorités des politiques agricoles. « La notion de compétitivité de l’agriculture a été ajoutée à cet article avant même les questions de revenus agricoles. L’objectif de cette loi devient celui de reconquête du marché mondial au lieu de celui de souveraineté alimentaire », fustige Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer auprès de CCFD-Terre Solidaire.
Dépénalisation des destructions d’espèces protégées
Répondant aux sirènes de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, qui réclament à cor et à cri pareilles mesures, les parlementaires ont ainsi largement amendé le texte pour lever les réglementations qui rendraient l’agriculture moins « compétitive », donc profitable. L’article 13 de la loi supprime ainsi les sanctions en cas de destruction d’espèces et d’habitats protégés si l’intentionnalité de l’acte n’est pas prouvée. « C’est la pire régression du droit de l’environnement depuis une décennie, cela revient à dépénaliser l’ensemble des atteintes », s’alarme Laure Piolle, de France Nature Environnement. La loi prévoit par ailleurs de suspendre les interdictions de produits phytosanitaires s’il n’existe pas de solution alternative et économiquement viable, ouvrant grand la porte à l’utilisation déraisonnée de pesticides.
« Ce qui nous interpelle dans cette loi, c’est qu’on ne considère pas que l’agriculture bio puisse être une solution. Par ailleurs, on oublie que des solutions aujourd’hui économiquement viables le sont parce qu’elles sont soutenues par des politiques publiques », note Lorine Azoulai. Toute mention d’un objectif de surface bio a par ailleurs disparu du document sénatorial, à contre-courant des politiques de promotion du bio, dont la dernière – le plan ambition bio – à moins d’un an. Exit également les mentions à l’agroécologie et aux transitions agricoles. « C’est une grande déception », tranche Philippe Camburet, président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique.
Fustigée par les associations, la loi l’est aussi par certains syndicats agricoles. « Ce texte renforce la trajectoire agro-industrielle de l’agriculture (…), responsable de la diminution du nombre de paysans, de la disparition de centaines de milliers des fermes et de la destruction de notre environnement », estime ainsi dans un communiqué la Confédération paysanne.
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