« Voilà 9 mois qu’on se bat, on ne pouvait pas accoucher d’un tel accord. » Une élue Solidaires informatique d’Onclusive, première entreprise de France qui s’est vu annoncer un plan social justifié par l’intelligence artificielle, et qui souhaite rester anonyme, est pour le moins perplexe. « Au début, la direction ne nous invitait même pas aux réunions de négociations, elle disait que ça ne servait à rien, puisqu’on serait contre. Alors on s’est imposé, elle nous a écoutés, et elle prend le temps de réfléchir à nos propositions » explique-t-elle. Plusieurs dizaines de salariés réunis en assemblée générale ont ainsi levé la grève, lundi, qui avait été votée dans la nuit de jeudi à vendredi.
L’entreprise, anciennement Kantar, basée à Courbevoie, avait annoncé à ses salariés en septembre dernier qu’ils seraient quasiment tous remplacés par une intelligence artificielle. Ceux-ci rédigent des revues de presse spécialisées et personnalisées, à destination de leurs clients : des grandes entreprises, administrations et ministères. « Mutation technologique », avait inscrit la direction comme motif du plan social.
La Drieets (Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) a fait un retour de 17 pages, demandant à la direction de revoir sa copie. En janvier un nouveau PSE est annoncé, justifié par un « maintien de la compétitivité ». « L’intégration de l’IA ne représente qu’une part marginale de la modernisation globale des infrastructures que nous entreprenons » assure la direction d’Onclusive.
« L’entreprise renforce ses équipes à Madagascar »
218 postes vont être supprimés, il ne restera que 52 emplois en « production ». Là encore, la direction pointe « un impact donc plus limité sur l’emploi que le projet initial présenté en septembre ». « C’est quand même incroyable que cette histoire dure depuis si longtemps ; c’est une forme de maltraitance, estime de son côté Maître Giusti, l’avocat de Solidaires Informatique. Les conditions de travail étaient déjà pénibles, en flux tendu, avec des horaires parfois très compliqués. Un salarié travaillait entre 2 h 30 du matin et 10 h 30 par exemple, et toutes ses demandes de passer en équipe de jour ont été refusées. »
Passé la sidération première les syndicats ont repris le combat et fait appel à un cabinet expertise. « Ni Secafi ni nous n’avons vu le logiciel qui serait amené à nous remplacer, en revanche, on a bien vu qu’Onclusive renforçait ses équipes à Madagascar » déplore l’élue du personnel.
« Le fonds d’investissement qui nous a rachetés veut des baisses de coûts de mains d’œuvres. Qu’ils assument, et qu’ils ne laissent pas les salariés avec des miettes ». Le syndicat demande ainsi que les conditions de départs extralégales soient améliorées pour les bas salaires qui représentent 137 des postes supprimés. Et qu’il n’y ait pas de discrimination sur l’âge notamment. Mais cela agace fortement les élus d’être réduits à négocier les critères d’un PSE avant même l’avis de la Drieets.
En attendant, leur avocat se tient prêt. « Nous nous sommes rendu compte suite à une attaque informatique, que dans l’annexe des contrats de travail des salariés, depuis 2018, il y a des clauses qui stipulent qu’Onclusive peut collecter des données vis-à-vis de l’orientation sexuelles, de l’appartenance syndicale et religieuse de ses employés ! S’exclame maître Giusti. C’est un volet RGPD que je souhaiterais creuser si mes clients me mandatent pour ».