Le sans-abrisme est un problème majeur aux États-Unis, et la situation s’aggrave : un record de 650 000 Américains se sont retrouvés sans abri en une seule nuit en janvier 2023, selon le dernier rapport ponctuel publié par le ministère américain du Logement et du Développement urbain. Cela représente une personne sur 500 à l’échelle nationale.
Mon État, la Géorgie, connaît une augmentation constante du nombre de sans-abri depuis 2017. En 2022, le nombre de sans-abri en Géorgie – en d’autres termes, ceux qui vivent dans la rue ou dans des voitures – a dépassé celui de ceux qui avaient accès à un abri d’urgence, selon les données de l’État.
Les politiciens ont été attentifs : chaque année, le gouvernement fédéral alloue des milliards de dollars aux collectivités locales et aux prestataires de services à but non lucratif pour lutter contre le sans-abrisme. Pourtant, cet argent n’a pas suffi à inverser la tendance. Pourquoi ?
Les causes du sans-abrisme sont nombreuses et complexes, notamment le chômage, l’accessibilité au logement et les problèmes de santé. Mais en tant que professeur de gestion des opérations, je pense qu’un problème sous-estimé est la façon dont les prestataires de services aux sans-abri – principalement les organismes à but non lucratif – mesurent leur succès. Trop souvent, le système encourage les solutions rapides au détriment des solutions à long terme.
Les organisations à but non lucratif offrent un filet de sécurité large mais limité
Aux États-Unis, des organismes à but non lucratif proposent une gamme de services aux personnes sans domicile fixe, notamment des abris, des logements, des services de réadaptation, des formations professionnelles et des conseils. Il existe plus de 12 000 organismes de ce type dans tout le pays, dont plus de 50 dans la seule métropole d’Atlanta.
Les prestataires de services aux sans-abri, comme d’autres organisations à but non lucratif, publient souvent des indicateurs d’impact pour illustrer leur réussite. Cela leur permet non seulement d’avoir une idée de l’efficacité de leurs opérations, mais aussi de communiquer leurs valeurs au gouvernement, aux donateurs et au public.
Les prestataires de services aux sans-abri vantent souvent leur efficacité en termes de repas servis, de lits fournis ou de cours offerts, comme le montrent les recherches. Cependant, aucune de ces mesures ne reflète le succès en termes de réduction du sans-abrisme.
Il s’agit de mesures de résultats, et non d’impact. Les résultats sont les résultats tangibles des activités, tandis que l’impact fait référence aux changements et aux avantages à long terme des activités. Il est étonnamment rare de voir des prestataires de services aux sans-abri mesurer l’impact lié à la réduction du sans-abrisme, c’est-à-dire si les personnes servies sont devenues autonomes et ne sont plus sans-abri.
C’est une erreur. Les recherches menées dans le domaine des entreprises montrent que la façon dont les organismes à but non lucratif mesurent leur succès affecte directement la manière dont ils établissent leurs priorités. En fonction des caractéristiques des clients et des services, les prestataires de services aux sans-abri pourraient être en mesure de générer un impact social plus important – en d’autres termes, de faire plus de bien – en privilégiant les taux de résolution des cas plutôt que le nombre de clients servis.
Pour être clair, les prestataires de services aux sans-abri apportent des contributions remarquables aux communautés à travers les États-Unis, et mon intention n’est pas de les critiquer. Je souhaite plutôt souligner la façon dont le secteur se concentre souvent sur la mesure des résultats plutôt que sur l’impact. Cette focalisation influence naturellement leurs activités et leur succès final.
Une meilleure voie pour les prestataires de services aux sans-abri
Comment les organismes sans but lucratif peuvent-ils mesurer leur impact dans le contexte du sans-abrisme ?
Ils peuvent commencer par considérer les résultats durables de leurs services, comme le nombre de personnes devenues autonomes, le temps moyen nécessaire à la réadaptation, à la formation professionnelle et au placement, et le salaire de départ des personnes qui reçoivent de l’aide à l’emploi et trouvent ensuite un emploi.
Ils peuvent aller plus loin en prenant en compte le pourcentage de clients servis qui sont restés employés pendant plus d’un an, qui ont pu payer la garde des enfants pendant plus d’un an ou qui n’ont pas été arrêtés pendant plus d’un an après avoir reçu leur service.
Vous pouvez dire, à juste titre, que ces objectifs sont difficiles à mesurer. Mais certaines organisations ont montré qu’il était possible d’y parvenir.
Par exemple, Georgia Works a aidé plus de 1 000 personnes à sortir de la rue. Et si vous consultez leur site Web, vous verrez qu’ils évaluent leur impact en fonction des mesures ci-dessus. Il s’agit d’une organisation qui s’efforce d’aider ses clients à devenir autonomes.
Au-delà de la mesure de l’impact, il est également essentiel pour les organisations à but non lucratif de communiquer efficacement ces mesures aux bailleurs de fonds tels que les agences gouvernementales et les donateurs. Sans communication claire, les organisations qui se concentrent uniquement sur les mesures de résultats peuvent paraître plus productives même si leurs activités n’ont pas d’impact durable. Cela pourrait se traduire par l’attribution de davantage de fonds à ces organisations plutôt qu’à celles qui créent un impact plus réel et durable.
En priorisant et en standardisant les mesures d’impact et en les communiquant clairement aux bailleurs de fonds, les Américains peuvent réduire le nombre de sans-abri et bâtir des communautés plus fortes et plus résilientes.