Les relations entre la Chine et l’Afrique sont essentielles pour les efforts de Pékin visant à étendre son influence dans l’ordre mondial dominé par l’Occident. La Chine est le partenaire commercial le plus important de l’Afrique et une source cruciale d’investissements continentaux. D’où l’importance du Forum sur la coopération sino-africaine pour les deux parties.
Le sommet du forum, qui a lieu tous les trois ans, offre à la Chine une plateforme pour montrer son influence mondiale et aux nations africaines, individuellement et collectivement, de s’engager avec la deuxième plus grande économie du monde sur des questions politiques et économiques.
Le sommet de cette année est l’occasion pour l’Afrique de trouver une solution aux défis de l’après-Covid. Les sommets précédents ont apporté des avantages tangibles aux pays africains. Par exemple, le Kenya est devenu le plus grand exportateur de fleurs vers la Chine, avec des exportations annuelles évaluées à 800 millions de dollars, depuis le huitième sommet Chine-Afrique de Dakar en 2021.
L’ouverture de nouveaux échanges commerciaux entre les pays africains et la Chine depuis 2021 a également eu des retombées positives, notamment la promotion du commerce électronique. Cela a permis, par exemple, d’exporter du café éthiopien vers la Chine. Par ailleurs, grâce au Fonds Chine-Afrique pour la paix et la sécurité, des financements et des équipements chinois ont été acheminés vers l’Architecture africaine de paix et de sécurité.
L’importance que les États africains accordent à ce forum est évidente : 53 pays africains participeront à ce sommet de trois jours. La seule exception est l’Eswatini, qui entretient des relations diplomatiques avec Taiwan.
En tant que chercheur ayant suivi de près l’ascension de la Chine en tant que puissance mondiale et ayant publié de nombreux articles sur le sujet, je pense que la question est de savoir comment les États africains peuvent maximiser cette opportunité pour en tirer des bénéfices politiques et économiques.
Les stratégies de la Chine en Afrique
Les plans de la Chine sont clairs. Elle a défini des stratégies globales en 2006, 2015 et 2021. Ces stratégies détaillent la position de la Chine dans ses relations avec les États africains, dans le cadre de ses ambitions plus vastes en tant que puissance mondiale.
Lors du dernier sommet du Forum sur la coopération sino-africaine en 2021, quatre documents ont été adoptés. Parmi ceux-ci, la Vision 2035 de la coopération sino-africaine se distingue. Elle décrit le cadre général de la coopération pour les 15 prochaines années.
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Ce plan a été élaboré conjointement par la Chine et les pays africains. Mais les observateurs ont noté que son aspect le plus frappant était que son calendrier coïncidait avec celui du plan chinois pour 2035 : Vision 2035.
Contrairement à la Chine, les États africains n’ont pas encore produit de document politique complet et unifié décrivant les intérêts stratégiques du continent et la manière dont ceux-ci s’alignent sur la Vision Chine-Afrique pour la coopération 2035.
La vision vise notamment à encourager la coopération pour le développement de la Chine et de l’Afrique, la Chine soutenant la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui vise à faire de l’Afrique une future puissance économique. La Chine contribuerait également à l’industrialisation de l’Afrique. La vision promeut également la coopération dans le domaine de l’économie bleue.
Renforcer la position de l’Afrique
Le neuvième Forum sur la coopération sino-africaine se déroule dans un contexte de défis dans les relations sino-africaines. La dette de l’Afrique envers la Chine est un point de friction. La Chine a accordé plus de 170 milliards de dollars de prêts à 49 pays africains et institutions régionales entre 2000 et 2022.
L’Angola, l’Éthiopie, le Kenya et la Zambie sont particulièrement endettés envers la Chine. Ces pays sont conscients que Pékin n’est pas prêt à annuler facilement davantage de dettes.
Malgré ces défis, l’Afrique n’est pas démunie face à la Chine. Bien que le continent ne soit pas économiquement fort dans son ensemble, avec ses 54 États membres de l’ONU sur 193, il revêt une importance géopolitique considérable.
Le poids du continent dans les affaires internationales revêt sans aucun doute une importance capitale pour la Chine. Pour utiliser ce pouvoir dans ses relations avec la Chine, l’Afrique doit avoir une vision claire et une approche stratégique.
Pour renforcer leur position, les États africains doivent s’unir et adopter une approche plus coordonnée. Les pays africains négocient souvent individuellement plutôt qu’en bloc, ce qui affaiblit leur pouvoir de négociation.
En l’absence d’une position africaine unifiée, la question est de savoir si les États africains peuvent négocier en tant que communautés économiques régionales. Il s’agit d’une tâche monumentale. Mais les principaux États africains et les blocs régionaux pourraient commencer par élaborer des stratégies d’engagement, puis utiliser leurs avantages concurrentiels pour tirer profit des relations avec la Chine.
Cela est particulièrement important étant donné que la Chine est un État entrepreneurial très sophistiqué, doté d’une stratégie claire et de ressources financières substantielles. Un leadership efficace est essentiel pour développer une stratégie africaine unifiée.
Le secteur privé africain doit jouer un rôle plus actif dans la défense des intérêts du continent dans les discussions avec la deuxième économie mondiale. Il convient de noter qu’en juillet dernier, le Parti communiste chinois au pouvoir a dévoilé d’importantes réformes orientées vers le marché.
Ces développements s’inscrivent dans la continuité de la transition du président Xi Jinping d’un développement rapide à un développement de haute qualité. Les discussions en vue du sommet de 2024 ont également mis en évidence les questions de viabilité économique, d’avantages pour les communautés locales et de durabilité environnementale.
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Les réformes axées sur le marché devraient accélérer la tendance observée lors du sommet de Dakar 2021, passant des initiatives menées par l’État à une implication accrue du secteur privé.
Pour renforcer la position du continent, les États africains auraient dû discuter et adopter une position unifiée avant le sommet de 2024. L’absence de travail et de négociation de manière plus consolidée placerait l’Afrique dans une position désavantageuse. Cela permettrait à la Chine de dicter l’ordre du jour et d’utiliser le forum comme un outil pour ses ambitions géopolitiques.
Avoir hâte de
Ces dernières années, certains observateurs ont avancé que l’engagement de la Chine envers le continent africain était motivé par un désir d’accès à ses ressources naturelles. En réalité, cette relation est devenue beaucoup plus nuancée et multiforme.
L’Afrique joue également un rôle dans l’appel de la Chine à créer une communauté de pays en développement pour faire contrepoids à un ordre international basé sur l’Occident. Dans cette optique, le sommet de 2024 à Pékin sera un événement crucial pour la Chine et l’Afrique.
Il est probable que cela influence l’orientation future de leur partenariat. C’est important pour la Chine et ses priorités mondiales, et pour l’Afrique, qui souhaite utiliser ses interactions avec la Chine au profit du continent.