« Ils ont décidé de passer la seconde pour soi-disant sauver l’entreprise », s’inquiète Mohamed ben Ahmed, délégué syndical Force ouvrière (FO), à la suite de l’annonce par Lapeyre, début juillet, d’un plan « social ». Si, après le rachat par le fonds d’investissement allemand Mutares, l’entreprise de menuiserie promettait de ne fermer aucun magasin avant fin 2022, les suppressions de postes et les fermetures se multiplient depuis l’arrivée d’un nouveau PDG, début 2024.
Dès le mois d’avril, FO publiait un communiqué, alertant sur « un plan social économique (PSE) qui ne dit pas son nom ». Aux fermetures prévues de plusieurs magasins à Paris et en région s’ajoutent désormais un plan de licenciement concernant environ 200 salariés, soit 10 % des effectifs, l’annonce de trois fermetures supplémentaires et le passage en mandat indépendant franchisé de trois autres magasins.
« Un impact assez violent sur les salariés »
Selon Mohamed ben Ahmed, la nouvelle direction justifie cette accélération par « des décisions qui ont mis du temps à être prises », mais le délégué syndical croit que si les fermetures et plans sociaux n’arrivent que plusieurs années après le rachat, c’est avant tout pour « ne pas nuire à l’image de Saint-Gobain (le précédent propriétaire) et ne pas mettre en avant sa responsabilité dans la situation financière du groupe », qui accusait 34 millions d’euros de pertes en 2019. Il fustige des mesures à « l’impact assez violent sur les salariés ».
L’allègement de la masse salariale ne date pas d’hier, puisque dès le rachat par Mutares, les départs volontaires dus à « la dégradation des conditions et à la surcharge de travail » n’ont pas été compensés, poursuit Mohamed ben Ahmed. Les départs se sont cependant accélérés depuis le changement de PDG, avec des procédures individuelles de licenciement pour insuffisance professionnelle, concernant parfois des salariés avec vingt années d’expertise.
« Sur le seul mois de mars 2024, il y a eu 21 sorties des effectifs », comptabilise un communiqué FO. Le passage de magasins en franchise permet également d’alléger la masse salariale en la déléguant à un mandataire.
Dans ce contexte de plan social larvé, les syndicats ont été contraints d’appeler à un PSE. D’autant que Lapeyre dispose des fonds. Pour faciliter la cession de la société à Mutares, Saint-Gobain a en effet laissé une « fiducie sociale », c’est-à-dire une enveloppe correspondant à dix années de pertes (245 millions), destinée à assurer l’équilibre de l’entreprise pour les années futures, mais mise sous contrôle d’un tiers pour éviter son détournement par le nouveau propriétaire.
Ce fonds arriverait à échéance en fin d’année, d’après Mohamed ben Ahmed. « Si le PSE avait été lancé en 2025, le groupe aurait pu utiliser l’argent comme il l’entendait et nous n’aurions eu aucune alternative pour les reclassements ou les formations. »
Lapeyre a finalement annoncé un PSE début juillet et les négociations concernant l’avenir des 200 salariés n’en sont qu’à leurs prémices. « Nous allons tout faire pour que les salariés contraints de quitter l’entreprise partent dans les meilleures conditions, et nous assurer que les personnes qui restent puissent travailler dans des conditions décentes », conclut Mohamed ben Ahmed. Contactés, ni Lapeyre ni Mutares n’ont répondu à nos sollicitations.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.