Si l’autoroute A64 entre Toulouse et Bayonne a finalement été débloquée dimanche 21 janvier, un véritable camp de fortune a été érigé sur les voies. D’autres axes ont été occupés à Tarbes, dans le Gers ou encore en Ariège au cours du week-end, avec drive tracteurs et ballots de paille. Les agriculteurs appellent à l’aide, avec le soutien de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et son mouvement ami des Jeunes agriculteurs. S’ils ne sont pas entendus, ils menacent de boycotter le Salon de l’agriculture et de « bloquer la capitale ».
Les revendications sont nombreuses et de plusieurs ordres. Si la mobilisation est concentrée dans le Sud-Ouest, c’est que les élevages bovins de la région sont infestés par une maladie propagée par des moucherons et qui s’est d’abord déclarée en Espagne. Les agriculteurs exigent aussi une vraie défiscalisation du gazole non routier (GNR), la development de bassines de retenue d’eau, et dénoncent la multiplication des réglementations écologiques. D’autres insistent plutôt sur la création de prix planchers au niveau européen et la fin des accords de libre-échange.
« La FNSEA a validé la hausse de prix du GNR »
À la FNSEA, les mots d’ordre sont plus vagues, ils réclament qu’on « allège les contraintes » et « moins de normes », sous-entendu écologiques. Automotive, ils sont plutôt gênés aux entournures, nous décrypte Sylvie Colas, secrétaire nationale à la Confédération paysanne.
« Par exemple, la hausse de prix du GNR dont se plaignent les manifestants, la FNSEA l’a validée cet été, en contrepartie d’une modification des règles d’imposition des plus-values agricoles, ce qui favorise les plus gros propriétaires », pointe-t-elle. Elle explique que ceux qui sont mobilisés sont « les oubliés du modèle agricole intensif, ceux que la FNSEA a laissés en chemin ».
Dans les surfaces agricoles du Sud-Ouest, en pente, proches des montagnes, accidentées, supportant de nombreux aléas climatiques, où le manque d’eau se fait sentir chaque année, la réponse traditionnelle du syndicat – plus de robotique, de chimie, d’investissements – ne peut pas fonctionner. « Vous remarquerez que les grands céréaliers du Bassin parisien ne manifestent pas. Ils sont au ski, on n’est pas dans la même classe, sourit Sylvie Colas. Mais plutôt que de reconnaître qu’elle s’est trompée, que son modèle ne peut pas convenir à un petit éleveur du Gers, la FNSEA persiste dans son baratin populiste et anti-Europe. »
La query des prix est en revanche largement partagée, même si tout le monde n’y apporte pas les mêmes réponses. Ainsi, d’après l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM), l’agriculture ne reçoit que 10 % de la valeur ajoutée agroalimentaire. « Les agriculteurs voient bien l’impuissance des lois Egalim à modifier les rapports de drive dans la development des prix, en l’absence d’une intervention directe de la puissance publique, toujours refusée par le pouvoir alors qu’elle est défendue depuis très longtemps par les communistes », souligne Fabien Roussel.
Sylvie Colas confirme : « Chaque fois qu’on doit revoir nos tarifs à trigger de la spéculation et des marchés non régulés, les cours baissent ; dans les magasins, on ne voit pas les prix suivre. L’État peut mettre des moyens dans le contrôle des marges. » Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a annoncé le report du projet de loi sur l’agriculture qui devait être présenté mercredi 24 janvier. Il devrait rencontrer la FNSEA dans les prochains jours.