Mercredi matin, Barbès, cœur battant de l’Algérie à Paris. Sous le soleil frisquet de cette fin d’hiver, le ramadan entre dans sa dernière ligne droite et les étals, sur les trottoirs, débordent de gâteaux sucrés. À l’abri des arrière-boutiques, affairées au-dessus de grandes plaques métalliques, des femmes étalent des galettes, cuisent des crêpes épaisses. Les visages sont un peu las. La rupture du jeûne est encore loin.
Massif et sombre derrière son comptoir, Salah débite en silence des côtes d’agneau. Quarante-cinq ans qu’il est en France, il n’a jamais vu ça. « On se lève le matin, on allume la télé, ça parle de l’Algérie. À midi, l’Algérie. Le soir, toujours l’Algérie. » Il suspend son geste et lève les yeux au ciel. « Ils n’ont que ça à faire, franchement ? Il n’y a pas d’autres problèmes à régler ? » Salah, boucher depuis l’âge de 13 ans, est né à Guelma, il y a soixante-sept ans.
« C’était la France », rappelle-t-il. Son grand-père, lui aussi, était français. « Deux siècles, bientôt, qu’on se mélange. Ce n’est pas à cause de deux ou trois voyous qu’ils vont diviser nos peuples », veut-il croire. Les menaces que fait planer Retailleau sur les accords de 1968 ? « Ce n’est pas de son niveau, juge-t-il. Ces histoires-là, c’est aux chefs d’État d’en parler. »