Rien n’empêche les députés européens de travailler à côté de leur activité de parlementaire. Ce qui dans certains cas peut poser de sérieux problèmes déontologiques. Ainsi, en 2023, l’eurodéputée CSU Angelika Niebler s’est mise à déposer des amendements pour torpiller la directive sur le devoir de vigilance des multinationales. Sauf que selon l’ONG Transparency International, qui tient un registre des rémunérations complémentaires des députés, l’impétrante perçoit 4 500 euros mensuels du cabinet Gibson, spécialisé dans la défense des grands groupes. L’élue siège de plus au conseil d’administration de la fondation Tüv Süd, entreprise poursuivie pour son rôle dans l’effondrement du barrage Brumadinho, au Brésil, qui avait fait 200 victimes en 2019.
Une présidence du Parlement européen conciliante
Deux autres députés allemands attirent l’attention de ceux qui s’intéressent à la frontière poreuse entre le monde des affaires et le Parlement européen. Monika Hohlmeier (CDU) perçoit un salaire de 75 000 euros annuels de l’entreprise agricole BayWa, tout en déposant des amendements sur la politique agricole commune. Et Axel Voss (CDU) touche 9 000 euros par an de Deutsche Telekom, alors même qu’il a auditionné des représentants de cette même firme dans le cadre d’un rapport sur l’intelligence artificielle… Si les rémunérations complémentaires sont légales, les eurodéputés sont tenus de fournir une déclaration d’intérêts privés, qui est publique. Ils sont de plus censés s’abstenir de servir les lobbies et tenus de déclarer tout possible conflit d’intérêts. Reste que la présidence du Parlement européen n’est toujours pas intervenue dans le cas des députés Niebler et Voss.
C’est dans ce contexte que Manon Aubry, tête de liste FI aux européennes, a lancé une nouvelle polémique à gauche en ciblant la tête de liste du PS, Raphaël Glucksmann. « Un quart des députés européens sont payés par des lobbies, des entreprises ou des gouvernements en plus de leur indemnité d’élu ! À qui rendent-ils des comptes ? À leurs employeurs ou à leurs électeurs ? Je propose d’interdire ces rémunérations annexes pour tous les élus européens ! » a twitté l’insoumise. Raphaël Glucksmann figure dans le visuel qu’elle a partagé, titré « Ces députés qui s’en mettent plein les poches ». L’élu y est accusé d’avoir perçu entre « 12 000 et 60 000 euros ». Sauf que ni un lobby, ni une entreprise, ni un gouvernement ne lui ont versé cette somme. « L’avantage des fake news, c’est que les démentis sont moins lus que les mensonges. C’est la méthode de tous les ripoux comme Trump. Raphaël Glucksmann n’a jamais reçu d’argent des lobbies mais des droits d’auteur », a précisé Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Une origine que l’insoumise ne pouvait ignorer : la déclaration d’intérêts de Glucksmann stipule bien que c’est son activité d’essayiste qui lui rapporte 4 000 euros mensuels. Il n’est pas seul. Anne-Sophie Pelletier, députée qui a siégé une grande partie de la législature dans la délégation insoumise, a elle aussi touché, et fort légitimement, 1 056 euros de droits d’auteur.
180 députés concernés
En tout, 180 des 705 eurodéputés bénéficient d’une rémunération complémentaire, selon Transparency, qui a épluché leurs déclarations. Avec des cas extrêmes. Ainsi, Viktor Uspaskich déclare pas moins de 3 millions d’euros de revenus extérieurs au Parlement, versés par l’entreprise Edvervita. L’homme en question a été exclu du groupe macroniste Renew non pour ses juteuses activités, mais pour des propos homophobes. Il siège désormais avec les non-inscrits et a été condamné dans son pays, la Lettonie, pour corruption. L’ancien patron du groupe libéral et premier ministre belge Guy Verhofstadt émarge aux alentours de 60 000 euros annuels en tant que conseiller de Planet First Partners, un groupe d’investissement. Il complète ses revenus avec des conférences qui lui rapportent presque autant. En France, Jérôme Rivière, député d’extrême droite passé par le RN puis Reconquête, est en tête des députés français les mieux rémunérés en qualité de président du conseil de surveillance de la boîte FFED (15 000 euros) et d’actionnaire de JRH (187 248 euros), selon Transparency.
L’essentiel des grosses rémunérations sont celles de députés siégeant sur les bancs des libéraux, de la droite et de l’extrême droite. Sur les cent plus gros compléments de revenu (supérieurs à 12 000 euros), seuls 15 sont socialistes et trois écologistes. Pour leur part, les élus PCF qui siégeaient à Strasbourg jusqu’en 2019 reversaient à leur parti une grande part de leur indemnité au motif qu’aucun élu ne doit s’enrichir grâce à son mandat.