C’est une énorme levée de fonds – 6,6 milliards de dollars – que vient de réaliser OpenAI, un an après un investissement massif (10 milliards) de Microsoft. On peut s’esbaudir de ces montants faramineux, ou s’effrayer de la tendance de cette entreprise à brûler autant d’argent.
Malgré plus 10 millions de clients payants de ChatGPT, 250 millions d’utilisateurs, 300 millions de dollars de revenus mensuels, l’entreprise s’apprêtait à perdre 5 milliards en 2024. Cette levée de fonds va combler un gros trou de trésorerie. Le New York Times rapporte que, juste pour assurer son fonctionnement quotidien, ChatGPT coûte 700 000 dollars par jour. Pour entraîner la dernière version de son modèle de langage, OpenAI a dû débourser 7 milliards en puissance de calcul, principalement chez Microsoft.
Ce dernier pourrait y voir une véritable poule aux œufs d’or, sauf que, après avoir déjà investi 13 milliards dans la start-up, le géant a dû à nouveau sortir le carnet de chèques pour la maintenir à flot. Les autres gros investisseurs sont la société de capital-risque Thrive Capital, le fabricant de puces Nvidia, le conglomérat SoftBank, et les Émirats arabes unis.
Cette levée de fonds acte aussi la fin de la mue capitalistique d’OpenAI, qui va changer ses statuts puisqu’elle était à l’origine une association. Les investisseurs de ce tour de table auront le droit de retirer leurs billes si l’organisation ne se convertit pas en société à but lucratif.
Sam Altman, le PDG, épaulé par Microsoft, avait fait un premier putsch, fin 2023, en mettant à la porte tous les scientifiques du conseil d’administration, remplacés par des financiers. Au fil des mois, tous les cofondateurs sont également partis. La dernière, Mira Murati, la directrice technologique d’OpenAI, a démissionné la semaine dernière, laissant Sam Altman seul aux manettes, sous la houlette de Microsoft.
Dix fois plus d’électricité qu’une recherche sur un moteur de recherche
La multinationale s’est engagée corps et âme, et à ses risques et périls. Outre les investissements massifs, Microsoft héberge ChatGPT dans ses centres de données, et loue aussi à OpenAI ses supercalculateurs pour entraîner ses modèles. Par ailleurs, Copilot, l’assistant IA que Microsoft fourre partout (dans Bing, Office…), fonctionne sur la base de ChatGPT 4. Le géant a dû investir tout aussi massivement dans ses centres de données et la puissance de calcul pour rester compétitif.
L’argent n’est pas la seule chose que l’IA brûle en quantité : l’énergie aussi. Le traitement d’une requête ChatGPT nécessite près de dix fois plus d’électricité qu’une recherche sur un moteur de recherche classique. Microsoft vient ainsi de se payer une centrale nucléaire, celle de Three Mile Island en Pennsylvanie (États-Unis), arrêtée depuis 2019.
L’entreprise espère, après sa remise en fonction, tirer ainsi 850 mégawatts d’électricité pour alimenter ses centres de données installés quelques encablures plus au sud, en Virginie, dans le « Data Center Alley ». Les géants du numérique y ont installé leurs énormes infrastructures, à proximité de l’arrivée des gros câbles sous-marins qui relient les États-Unis à l’Europe, triplant la consommation électrique de cet État.
Cette fringale énergivore s’accompagne d’émissions de CO2. Chaque année, les Gafam présentent un bilan déjà assez alarmant : Google, dans le dernier, annonçait abandonner son objectif de neutralité carbone et pointait que, du fait de l’IA, ses émissions étaient en hausse de 48 % sur un an. Mais, selon une enquête du Guardian, « les émissions réelles des centres de données appartenant aux Big Tech sont probablement d’environ 662 % – soit 7,62 fois – supérieures à celles officiellement déclarées ».
Les Gafam, en effet, achètent des certificats d’énergie renouvelable – Amazon s’en paye pour l’équivalent de la consommation de 7,6 millions de foyers nord-américains par an – et peuvent les allouer à leurs data centers, même si, en réalité, l’énergie est produite et consommée sur un autre continent… Des centaines de salariés d’Amazon ont dénoncé cette « créativité comptable » en manifestant cet été.
Le Guardian a ainsi pris en compte les mesures d’émissions de CO2 géolocalisées pour estimer que « si ces cinq entreprises (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – NDLR) ne formaient qu’un seul pays, la somme de leurs émissions, en 2022, les aurait classées au 33e rang des pays les plus émetteurs, derrière les Philippines et devant l’Algérie ».
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